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un peu artificielle, on y peut surprendre les futures tendances de l’auteur des Contemporains.

Passons rapidement sur la thèse latine, solide, agréable et ingénieuse dissertation relative aux théories dramatiques de Corneille. Si vous la lisez dans l’original, n’y cherchez pas l’équivalent latin de familiarités telles que celles-ci : « Buvons les trois Discours jusqu’à la lie... Suivons avec résignation le grand poète dans toutes les inutiles difficultés où il s’engage et s’emberlificote... Ou bien, par hasard, fait-il la bête, si j’ose m’exprimer ainsi ? » Tout ce que vous y trouveriez, ce serait une traduction fort décente de cette phrase irrespectueuse : « On éprouve à la longue un vrai chagrin à voir cet homme de bien perdre son temps à de pareilles niaiseries. » « Non sine quodam mœrore nostrum in his ambagibus morari et frustra laborare videmus. » Et qu’on aille dire après cela que « le latin dans les mots brave l’honnêteté ! »

En ce qui concerne la thèse française, je voudrais voir l’effarement de nos modernes candidats au doctorat, si ce petit livre peu connu, et qui n’a pas été réimprimé, leur tombait entre les mains. Cette étude sur Dancourt, où il n’y a pas une ligne de biographie, pas un mot d’inédit, et presque pas une date, relève, à dire vrai, plutôt de l’histoire morale ou sociale conçue à la manière de Taine que de l’histoire proprement littéraire. Telle qu’elle est, elle est si joliment troussée, si intelligente, et si intéressante, qu’on sait presque gré à l’auteur de n’avoir pas même songé à « épuiser » le sujet, et même d’avoir, sur plus d’un point, travaillé un peu vite. Il a d’ailleurs tant d’idées, et sur toute sorte de questions, et il les exprime avec tant de grâce et de piquant, qu’on lui passe jusqu’aux gamineries qu’il n’a pu se tenir de glisser dans ses commentaires, et de faire accepter à ses graves juges de la Sorbonne : « Il n’y a plus d’enfans. Mais aussi il n’y a plus d’amour, » s’écriera-t-il quelque part. Une autre fois, il lance quelques traits de satire contre les hommes de loi contemporains, mais il s’arrête, et, avec un sourire : « Il est inutile, et il peut être périlleux d’expliquer ces choses. » Sous sa plume, les portraits lestement enlevés, les vives et perçantes formules, les définitions heureuses abondent. L’Elmire de Molière, « cette Dalila honnête, » nous dira-t-il. Sur l’Esope de Boursault : « Cet Esope n’est plus un homme, c’est une machine à moraliser. »