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Et parmi les langueurs et parmi les pâleurs
Scintillaient, seuls vivans, ces feux ensorceleurs ;
Et ces joyaux étaient les larmes de Racine.


Les larmes de Racine : c’est, comme l’on sait, le titre d’une des poésies de Sainte-Beuve, avec lesquelles celles de M. Lemaître ont tant de subtils et secrets rapports. Je ne dirai pas des vers de l’auteur des Contemporains, comme il l’a dit de ceux de Maupassant, que ce sont des vers de prosateur ; mais, à l’instar de ceux de Joseph Delorme, ce sont des vers de critique : ils en ont la pénétrante ingéniosité, ils en ont la vive intelligence, ils en ont la vertu définissante ; et c’est de tout cela qu’en est faite la très particulière, mais réelle poésie.

C’est ce dont le poète dut s’aviser assez vite. Peut-être d’ailleurs était-il au bout de son inspiration, et peut-être aussi, ses vers n’ayant pas eu tout le succès qu’au total ils méritaient, se laissa-t-il un peu rapidement décourager. Hélas ! quel est le poète qui, depuis Lamartine, s’est imposé au public dès son premier recueil ? Et même, quel est l’auteur à qui son premier livre a conquis la notoriété ? Quoi qu’il en soit, à partir des Petites Orientales, M. Jules Lemaitre n’a plus publié, — je ne dis pas qu’il n’a plus écrit, — de vers, — j’entends de vers lyriques, car je n’oublie pas la Bonne Hélène. Il a laissé la critique, où il s’était du reste essayé, déjà, et vers laquelle sa profession même l’inclinait tout naturellement, absorber la plus large part de son activité. Et certes, il n’a pas tué le poète en lui, — sa critique même nous en sera la preuve, — mais il hésitera désormais à le produire directement au grand jour, ou plutôt il ne lui permettra plus d’affronter la foule que costumé en conteur, en romancier ou en dramaturge.

Mais avant de se consacrer régulièrement à la vraie critique, — j’entends par là celle des livres du jour, — un peu par goût sans doute, mais surtout par entraînement professionnel, il se livrera à quelques études d’histoire littéraire. Nous avons de M. Lemaitre deux volumes, l’un sur la Comédie après Molière et le Théâtre de Dancourt, l’autre sur Corneille et la Poétique d’Aristote. Ce sont ses « thèses de doctorat, » et la seconde même, avant d’être traduite en un français un peu boulevardier, avait d’abord paru en un latin assez grave. Il ne faut pas attacher à ces exercices scolaires plus d’importance qu’il ne convient ; mais ils ont leur intérêt, et, sous leur forme nécessairement