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pas facilement preneurs, ou eut l’idée, pour accélérer l’écoulement, d’envoyer une circulaire comme font nos banques pour placer des actions de mines d’or ou de chemins de fer étrangers. Mais il n’en fut pas besoin, et quoique, précisément à cette date (1711), l’État, terriblement pressé d’argent, eût beaucoup de mal à emprunter par les voies ordinaires, ces charges furent rapidement enlevées.

Que l’on trouvât des seigneurs authentiques ou des bourgeois-gentilshommes pour payer 200, 300 et 400 000 francs une sinécure dorée de secrétaire des commandemens, de chambellan ou de premier veneur, grâce à laquelle il se pousserait auprès du monarque, rien de surprenant à cela. Ce qui étonne c’est de voir vendre des 7 000, 12 000 et 20 000 francs de simples emplois de valets de pied ou de garde-robe, de garçons ou de femmes de chambre, d’aides de fruiterie ou d’enfant de cuisine, produisant des gages de 5, 7, rarement 10 pour 100 du capital versé ; lorsque les fonds publics rapportaient tout autant à des rentiers tranquilles.

Cette forme d’emprunt constituait, je pense, un assez pauvre système financier ; les gages étant mal et irrégulièrement payés, les titulaires se rattrapaient sans doute en grivèleries multiples ; bien que l’on ne voie pas nettement quel genre de revenans-bons peuvent échoir aux porteurs de chaises percées, — offices de 6 300 francs avec gages annuels de 550 francs. — Seulement, et c’est là ce qui mérite d’être retenu, il fallait que, dans l’opinion populaire d’il y a deux cents ans, ces dignités servîtes fussent grandes encore pour que l’ambition d’en être revêtu suscitât des amateurs capables d’y risquer leurs économies.

Le service personnel a d’ailleurs évolué sans cesse, de façon insensible et lente, suivant les besoins et les mœurs, de sorte que les mêmes noms ont désigné durant sept siècles des individus très différens et très diversement classés. Il est admis que le luxe des domestiques est celui peut-être qui a le plus diminué de nos jours ; encore faut-il s’entendre. Le train de maison d’un riche du moyen âge comprend, dans sa liste touffue, beaucoup de « domestiques » indispensables, aujourd’hui remplacés par des « fournisseurs : » boulanger, tailleur, maréchal, pêcheur, peintre, apothicaire, etc. ; il comprend des « employés, » logés et appointés à l’année, dont les uns, — chevaucheurs et messagers,