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— ont été remplacés par la poste et le télégraphe ; dont les autres, — aumôniers et médecins, — ne sont plus nécessaires à demeure, avec les moyens de transport modernes. Quelques-uns — comme les « écrivains » — étaient de première nécessité chez des maîtres qui ne savaient pas tenir la plume ; beaucoup enfin ont changé de noms, tels les gouverneurs, chapelains, capitaines, écuyers et guetteurs, disparus avec les « maisons fortes, » pour faire place à des régisseurs pacifiques, et à des gardes armés pour défendre, non pas leur maître, mais simplement son gibier.

Cette révision, qui réduit beaucoup les effectifs comparables, permet aussi de constater que nos aïeux faisaient difficilement des choses faciles ou devenues telles avec le progrès : en 1457 arrivait à Paris, pour demander en mariage la fille de Charles VII, une ambassade du roi de Hongrie et Bohème, composée de 260 chariots bien attelés que gardaient, la nuit, des esclaves enchaînés. Si la diplomatie actuelle comportait le même déploiement, esclaves et chariots seraient de trop ; il suffirait d’un train spécial remisé à Bercy.

En fait de luxe purement conventionnel quelques spécimens ont dès longtemps cessé de plaire : tels les nains et les fous des deux sexes, — la Reine avait sa folle comme le Roi avait son fou ; — le bon ton ne permettait à aucun prince de s’en passer et, si l’on en juge par leurs noms, c’est la France qui paraît les fournir à toute la chrétienté. Au temps où Triboulet tenait l’emploi chez François Ier, son collègue, auprès de Charles-Quint, était Perrignon « plaisant de l’Empereur ; » au Vatican même c’est un nommé Le Roux qui a titre de « plaisant du Pape » (1538).

Le Triboulet historique, richement habillé, — son costume complet, robe, pourpoint et chausses, coûte au Roi 1 800 francs (1534), — pourvu d’un gouverneur bien gagé, était un idiot recueilli par charité, fort peu ressemblant au Triboulet dramatique de Victor Hugo. D’autres fous, moins insipides, eussent mieux mérité de passer à la postérité ; Marais, par exemple, qui disait à Louis XIII : « Sire, il y a deux choses dans votre métier dont je ne saurais m’accommoder, c’est de manger tout seul et de ch... en compagnie. » Celui-là fut le dernier bouffon en titre. Avant lui avait aussi disparu des budgets officiels la « dame des filles de joie suivant la Cour, » qui recevait