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une famille de six personnes dont trois enfans. A Paris même, le Journal de Barbier qui parle de « repeupler les campagnes par la diminution des domestiques (1743), » nous apprend que, dans la corporation la mieux connue de lui puisqu’il y appartient, il y a 500 avocats inscrits au tableau qui n’ont pas de laquais.

En Angleterre, l’impôt sur les domestiques mâles nous fait connaître que leur nombre, depuis 1812, a baissé de 295 000 à 221 000. Si nous possédions une statistique analogue pour la France, je crois que la diminution du personnel de luxe serait beaucoup plus que compensée par l’accroissement d’effectif des servantes de la classe moyenne.


IV

Est-ce l’effet d’une demande plus abondante ? Toujours est- il que ces « bonnes à tout faire, » — les « meschines » et « dariolettes » du moyen âge, — sont la catégorie qui, depuis cent ans, a le plus profité de la hausse des salaires. C’est par conséquent l’une des dépenses bourgeoises qui ont le plus augmenté. Il n’est pas ici question de quelques « femmes de chambre » payées 590 francs par an chez la vicomtesse de Rohan (1480), 1 080 francs chez la duchesse de Bourgogne et jusqu’à 2 000 francs chez la reine Anne de Bretagne. Celles-là devaient-elles leurs gages à un mérite exceptionnel ou à la générosité de maîtres fastueux ?

L’écart énorme qui existait autrefois, dans la corporation des « femmes serviciales, » entre les premières et les dernières, — écart analogue à celui que l’on constatait parmi les domestiques mâles, — laisse supposer, ou qu’ils ne se recrutaient pas dans le même milieu et n’avaient pas même origine, ou qu’il se formait entre eux, d’après la tournure, le talent et les manières, une sorte d’aristocratie d’antichambre dont nous n’avons plus l’équivalent. Ceux qui la composaient ne se soucieraient pas aujourd’hui d’embrasser la même profession ; ils prétendent à de plus hauts rôles.

C’est même ce qui nous explique la soubrette et le valet de l’ancienne comédie. Déjà, vers la fin de l’ancien régime, Mercier dit que ces espèces se font rares et qu’on les rencontre seulement parmi les « domestiques de place, » à 4 francs par