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qui le carreau, qui le parasol, la coiffe et le mouchoir. Personne ne se faisait plus précéder, comme il était encore d’usage sous Louis XIV, de laquais porteurs de flambeaux, le soir, devant son carrosse ; et l’on avait remplacé par des chandeliers les valets qui se tenaient debout, dans les salles du moyen âge, des torches en main. Le dernier vestige de ce cérémonial, qui avait subsisté jusqu’à notre siècle pour lestâtes couronnées, obligeait les hôtes honorés de leur présence à les aller recevoir à la descente de voiture, avec un candélabre allumé.

Malgré tout, le chiffre global des domestiques, en France, était bien moindre il y a cent vingt ans que de nos jours, parce que la classe qui se fait servir, fût-ce par une « bonne, » est présentement beaucoup plus nombreuse ; tandis que le nombre des seigneurs ou assimilés, qui avaient jadis ce grand train de maison dont je viens de parler, était très restreint. Chiffrer 24 gens de livrée et 10 femmes de chambre chez un fermier général, ou 300 personnes chez cet ultra-prodigue de Choiseul, tant à Paris qu’à Chanteloup (1770), voilà des détails qui impressionnent ; et ce ministre exilé en pourra retrancher quelque peu sans nous attendrir. Mais combien y avait-il de bourgeois à posséder un « officier en confitures, » comme Mme Allain, qui en fait venir un de Tours et un autre de Rouen, pour voir qui des deux ferait le mieux ?

Si quelques milliers de familles en vue gageaient deux ou trois fois plus de domestiques que de nos jours, la noblesse de province et la bourgeoisie aisée ne semblent pas en avoir entretenu davantage que les classes correspondantes d’aujourd’hui : M, de Saint-Chamans, au château de Méry-sur-Oise, a 5 domestiques (1630) ; Racine, avec 55 000 francs de rente, avait à l’époque de sa mort (1699) un cocher, deux laquais, une cuisinière et une femme de chambre. Même personnel chez le président du bailliage à Dijon (1701) ; le lieutenant criminel a seulement deux servantes et un laquais. A Paris, un magistrat garçon, nourri par un traiteur, a son cocher et son laquais ; un frotteur, pour 7 francs par mois, met son appartement en couleur.

Le conseiller Le Blanc, du Parlement d’Aix, a quatre domestiques dont deux font office de porteurs pour sa chaise, car il n’a pas de carrosse ; à Lyon, chez un négociant en soieries qui dépense 9 000 francs par an (1769), deux domestiques servent