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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/663

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ramenait la tranquillité et préparait l’essor prochain de l’Afrique du Sud. La Grande-Bretagne devenait libre de tourner son attention vers l’Europe et la Méditerranée à l’heure où il lui paraissait nécessaire d’y arrêter les progrès de l’influence germanique, et de consacrer toutes ses énergies à la lutte commerciale, industrielle et maritime contre l’Allemagne envahissante. Elle avait besoin, pour ces nouveaux desseins, de la neutralité et même du concours de la France. L’objectif de sa politique changeait. L’histoire se répète, surtout lorsqu’il s’agit de l’Angleterre, dont l’insularité et l’organisation économique limitent assez étroitement les « nécessités permanentes ; » la recherche d’un « soldat continental » s’impose à elle comme une loi historique. Un nouveau souverain montait sur le trône au moment où une nouvelle politique se dessinait : il fut l’homme de cette politique, Edouard VII, dans ses fonctions d’ » ambassadeur de l’Empire britannique, » fut un acteur d’autant plus parfait que le rôle répondait adéquatement à ses affinités personnelles et à ses préférences intimes. Un rapprochement entre la France et l’Angleterre, après Fachoda et la guerre sud-africaine, résultait de la logique des situations et de l’évolution générale de la politique européenne ; il se serait fait, un peu plus tôt ou un peu plus tard, d’une façon ou d’une autre, quels qu’aient été les hommes appelés à gouverner les deux pays : mais, si la force des choses a fait le rapprochement, c’est Edouard VII qui, pour la plus large part, a fait « l’entente cordiale. »

Edouard VII et lord Lansdowne trouvèrent en M. Delcassé, ministre des Affaires étrangères, et en M. Paul Cambon, notre ambassadeur à Londres, des interlocuteurs animés des dispositions les plus conciliantes. M. Delcassé, qui resta au quai d’Orsay sous cinq ministères successifs (Cabinets Brisson, Charles Dupuy, Waldeck-Rousseau, Combes, Bouvier, du 28 juin 1898 au 6 juin 1905), avait été déjà ministre des Colonies dans un Cabinet Charles Dupuy (1894) ; on était alors au plus fort de la rivalité coloniale avec l’Angleterre ; M. Delcassé s’était montré ardent à la lutte, animé contre l’adversaire. Mais, en 1898, ses tendances avaient dû se modifier déjà, puisque son entrée au ministère des Affaires étrangères, avec M. Brisson et le parti radical, fut également souhaitée par cette fraction du parti nationaliste qui reprochait aux Cabinets