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L’alliance avec le Japon, dirigée contre la Russie, n’altère pas ces bons rapports, tandis qu’elle a pour contre-coup une manifestation, ou superflue ou dangereuse selon la tournure des événemens, de solidarité franco-russe en Extrême-Orient.

Ainsi, rien n’est changé en Europe. L’avènement d’Edouard VII lui-même ne modifie d’abord rien : une maladie grave, la paix à rétablir dans l’Afrique du Sud, une étude attentive et personnelle de la situation politique générale de l’Europe occupent les deux premières années du nouveau roi. C’est en 1903 seulement qu’il passe d’une politique de liquidation et d’observation à une politique d’action. Il a pour collaborateur, après la retraite de lord Salisbury, un nouveau ministre des Affaires étrangères, lord Lansdowne, qui ne traîne pas avec lui tout un passé de complicité avec l’Allemagne. Une série d’incidens, venant brocher sur le fond d’une rivalité économique et maritime déjà très aiguë, avaient peu à peu relâché les liens de l’amitié anglo-allemande. Ce fut d’abord la guerre du Transvaal et surtout le ton dont la presse allemande parla de l’armée anglaise ; ce fut ensuite le chemin de fer de Bagdad et celui du Hedjaz ; puis vint l’interprétation de la convention du Yang-Tse par les Allemands qui prétendaient, pour gagner les bonnes grâces de la Russie, exclure la Mandchourie de l’intégrité chi- noise et qui ne renonçaient pas sans restrictions ni réserves au bassin du Yang-Tse ; ce fut enfin certains procédés, désobligeans pour les Anglais, du maréchal de Waldersee. A Leicester, le 30 novembre 1899, M. Chamberlain avait préconisé une alliance anglo-allemande ; à Edimbourg, le 25 octobre 1901, le même orateur attaquait âprement l’Allemagne, et la réponse de M. de Bülow (8 janvier 1902) piquait au vif les Anglais. C’est à peu près entre ces deux dates qu’il faut chercher le moment où la vieille amitié se refroidit pour faire place à une antipathie qui deviendra générale et, à certains momens, très-vive.

Le roi Edouard vient à Paris le 1er mai 1903 ; le président Loubet se rend à Londres au commencement de juillet de la même année ; M. Delcassé l’y accompagne ; les conversations diplomatiques commencent ; le terrain d’entente est trouvé : c’est le Maroc.