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donna aux petits Etats, déjà alarmés par les allures prépotentes et comminatoires de la diplomatie allemande, le courage de la résistance. La Conférence d’Algésiras a été pour nous un succès d’autant plus important qu’il venait après les incidens pénibles de l’été de 1905 ; le Maroc, à propos duquel le combat s’était livré, restait encore un Maroc international, mais deux puissances, la France et l’Espagne, y obtenaient des droits particuliers et s’y faisaient reconnaître des intérêts spéciaux. Il devenait de plus en plus évident que, — la liberté commerciale une fois garantie, — le Maroc tomberait, par la force des choses et dans l’intérêt général, sous la tutelle politique de la France. L’Allemagne éprouvait, par une expérience assez rude, que ni l’Europe ni l’Amérique n’étaient disposées à se laisser dicter la loi par elle et qu’elles n’avaient pas besoin, pour leurs intérêts, d’un défenseur d’office. Comme en 1875, la politique d’hégémonie subissait un échec caractérisé dont nous devenions, par suite des mêmes « raisons permanentes, » les bénéficiaires.

On peut regarder comme l’un des résultats indirects de la crise d’Algésiras le rapprochement qui aboutit à la convention du 31 août 1907 entre la Russie et l’Angleterre. L’Angleterre et la Russie liquident leurs différends en Perse, en Mésopotamie, au Tibet. Le roi Edouard VII vient rendre visite au Tsar à Revel en juin 1908. Réalisé en 1902, l’accord anglo-russe eût été un événement capital ; même après les défaites de la Russie en Mandchourie, il avait encore de très heureux résultats. Il avait été préparé et rendu possible par une série de négociations qui avaient abouti à l’accord entre la Russie et le Japon (30 juillet 1907) et à l’accord entre la France et le Japon sur la base de l’intégrité chinoise (10 juin 1907). La convention, signée le 4 juillet 1910, établit, entre les deux adversaires de 1904, mieux que la paix, l’entente. Cet important résultat est en grande partie l’œuvre de M. Pichon et de notre ambassadeur à Tokio, M. Gérard. Ces accords ont pour effet de rendre à la Russie sa liberté d’action en Europe. A l’entrevue de Revel, elle se sépare de l’Autriche, rompt avec la politique de Mürzsteg et prépare avec l’Angleterre un programme de réformes pour la Macédoine qui, en hâtant la révolution turque (27 juillet 1908), allait provoquer une nouvelle crise européenne, un nouveau « conflit des alliances. »