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les Djebala, enlevait le caïd Mac-Lean et jetait la terreur jusqu’aux portes de Tanger. La région de la Chaouïa s’agitait : le 30 juillet 1907, neuf ouvriers, dont cinq français, étaient tués, toute la population européenne était eu péril. Une escadre française mit à terre un corps de débarquement : ce fut le commencement de la campagne de six mois qui allait amener l’occupation de la Chaouïa. Les grands caïds de la région de Marrakech proclamaient sultan Mouley-Hafid, frère puîné d’Abd-el-Aziz (2 septembre 1907), qui appelait les tribus à la guerre sainte contre les Infidèles. On vit alors cette situation paradoxale. La mésintelligence franco-allemande était si vive qu’aussitôt Mouley-Hafid devint le sultan de l’Allemagne, qui, en mai, fit accueil, à Berlin, à ses envoyés officieux, tandis qu’Abd-el-Aziz, qui avait accepté l’Acte d’Algésiras et s’était mis d’accord, en septembre 1907, avec M. Regnault et le général Lyautey, pour en régler l’application, restait le sultan de la France. Protection toute platonique ! Les troupes du général d’Amade n’avaient qu’un pas à faire pour disperser la mahalla de l’usurpateur commandée par le caïd El-Glaoui, mais le gouvernement français ne leur permit pas de sortir des limites, cependant assez vagues, de la Chaouïa. Le Sultan qui s’était compromis avec nous n’était pas défendu par nous. Cette comédie finit par la note du 14 septembre 1908 qui réglait les conditions de la reconnaissance de Mouley-Hafid comme sultan par la France et l’Espagne. Mouley-Hafid s’engageait à reconnaître les engagemens pris par son frère et à désavouer la guerre sainte. Il n’y avait rien de changé au Maroc, sinon que l’application de l’Acte d’Algésiras était retardée de plus d’un an et qu’il était plus que jamais démontré que l’opposition de l’Allemagne à l’action organisatrice de la France était, au Maroc, nuisible à tous les intérêts. Nous en subissions, sur la frontière oranaise, les douloureux contre-coups (combat de Menabha, 14 avril 1908, 19 tués, 100 blessés ; combats de Bou-Denib, 1er et 6 septembre, etc.). La question marocaine restait une question européenne, une « surface de friction » entre la France et l’Allemagne. L’Allemagne ne nous pardonnait pas son insuccès d’Algésiras. Elle voulait tenir ouverte la question marocaine pour peser, à l’occasion, sur notre politique.

Cette occasion, elle crut la trouver le 26 septembre 1908 : ce fut le fameux incident des déserteurs qui provoqua tant