Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/689

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pangermanistes s’exaltaient, et le gouvernement était accusé de faiblesse et de complaisance envers la France. On ne se demandait pas si la pacification du Maroc, dont l’expédition de Fez était le commencement, n’était pas la condition nécessaire pour faire au Maroc des affaires et y engager des entreprises fructueuses ; on ne voyait que l’accroissement de puissance qui résulterait pour la France de la possession du Maroc, et on ne voulait pas savoir si l’occupation et la pacification d’un tel pays ne nous coûterait pas encore très cher avant de donner des bénéfices. On raisonnait sur le problème résolu alors qu’il reste à résoudre. L’état d’esprit de 1905 reparut : la France, qui avait payé le Maroc à l’Italie, à l’Espagne, à l’Angleterre, ne pouvait pas ne pas le payer à l’Allemagne aussi. « Rapportez-nous quelque chose, » dit M. de Kiderlen-Wæchter à M. Jules Cambon en le quittant à Kissingen. On apprit sur ces entrefaites que le retrait des troupes françaises de Fez allait commencer ; on n’aurait plus de prétexte pour réclamer une indemnité, ne valait-il pas mieux en finir avec cette obsédante question du Maroc et brusquer la solution ? La Panther reçut l’ordre d’aller mouiller devant Agadir (1er juillet). On espérait, suivant une méthode très pratiquée par la diplomatie allemande, se guider sur les circonstances et, selon l’attitude des gouvernemens de Paris et de Londres, selon le ton de la presse et de l’opinion en Europe et aux États-Unis, réclamer soit une compensation en Afrique ; au Congo par exemple, dont le nom avait déjà été prononcé dans des pourparlers officieux, soit obtenir cette région du Sous, avec son port d’Agadir, qui tente depuis longtemps les « coloniaux » allemands. L’attitude ferme, sur ce point, du gouvernement français, le discours de M. Lloyd George, le langage résolu du Cabinet de Londres, tirent promptement abandonner la seconde solution. On négocia donc Maroc contre Congo. Comment on aboutit au traité du 4 novembre, nous ne le raconterons pas ; ce serait entrer dans la polémique d’actualité. L’histoire de ces négociations, en l’absence même d’un Livre jaune, ne peut pas encore être écrite avec profit. Nous nous contenterons d’examiner la valeur du traité en lui-même et, à la lumière de tout ce que nous avons dit jusqu’ici, de tirer pour l’avenir quelques conclusions dans l’intérêt de la France et de la paix générale.