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Thiéry, un officier lui demande de l’introduire auprès du maréchal et annonce qu’on signale un parti de uhlans en avant de Wœrth. Le maréchal l’écoute, le remercie, le congédie, puis s’adressant à ceux qui l’entourent : « Les Prussiens veulent m’attirer en avant, je ne donnerai pas dans le piège. » Le commandant Thiéry, qui poursuit sa route, est abordé de nouveau par un autre officier, qu’il introduit encore auprès du maréchal, et qui rapporte qu’un escadron ennemi vient d’entrer dans Wœrth. En même temps, le bruit du canon se fait entendre.

Ducrot avait dit : « Quand le maréchal sentira la poudre, il ne voudra plus rétrograder. » L’odeur de la poudre monte, en effet, à la tête du maréchal. La résolution péniblement arrachée s’efface ; il n’écoute que son tempérament offensif. « Vraiment ! s’écria-t-il, ils sont là ! Vite à cheval ! Nous allons les pincer ! » Il saute en selle et court vers Wœrth, ventre à terre, à travers les champs détrempés, sans regarder s’il est suivi. Raoult court après lui, le rejoint, et reçoit l’ordre d’arrêter tout mouvement de retraite et de prendre les positions de combat. L’ordre donné à Raoult est transmis aux autres chefs de corps et, au milieu des détonations du canon qui gronde déjà, chacun prend son poste. Il était entre sept heures et sept heures et demie.

Cette improvisation de Mac Mahon n’était pas justifiée par ce qui se passait chez les Allemands. Ils n’avaient nullement modifié leur résolution de n’attaquer que le 7. La canonnade qui nous avait lancés en avant était celle d’une simple reconnaissance offensive. Les Prussiens savaient que nous étions en face d’eux sur les hauteurs de Wœrth ; mais comment y étions-nous disposés ? quels étaient nos projets ? Malgré leur espionnage tant vanté, malgré leurs éclaireurs, ils l’ignoraient. Les vignes et les houblonnières cachaient nos bivouacs qui n’étaient révélés que par la fumée des feux. Vers sept heures, au moment même qu’à Frœschwiller, de Leusse, Raoult et Ducrot arrachaient au maréchal l’ordre de retraite, le général Walther, comme s’il l’avait pressenti et voulait s’assurer si nous nous retirions, envoya une reconnaissance composée de deux bataillons et de la batterie Gaspary. Il ignorait les instructions confidentielles données aux Bavarois de se mettre en action dès que le canon retentirait du côté de Wœrth, et sans se douter des conséquences qui allaient en résulter, il fait lancer sur le village quelques