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qu’un petit nombre, parmi lesquels deux officiers, et autant de lanciers. Pauvres cuirassiers ! Pauvres lanciers !

La brigade Michel avait laissé sur le terrain les deux tiers de son effectif et les lanciers les neuf dixièmes. Et à quoi bon ? Pour rien, avait dit le général Duhesme. Pour quelque chose de pire, a dit le prince de Hohenlohe, pour faciliter les progrès qu’on comptait arrêter : « Un officier d’infanterie qui essuya la charge des cuirassiers, à Wœrth, me raconta qu’après une attaque malheureuse, notre infanterie descendait une côte en battant en retraite. Une grêle de projectiles lancés par les mitrailleuses et les chassepots l’atteignait sans relâche, et tous les hommes avaient le sentiment qu’ils n’atteindraient jamais la forêt qui s’étendait au bas de la colline et qui les eût abrités. Exténuée, résignée à la mort, toute cette infanterie gagnait lentement la forêt. Soudain le feu meurtrier cessa. Saisis d’étonnement, tous les hommes s’arrêtèrent pour voir qui les sauvait ainsi d’une mort certaine. Ils aperçurent alors les cuirassiers français qui, les chargeant, empêchaient leur propre infanterie et leur artillerie de tirer sur l’ennemi. Ces cuirassiers leur apparurent comme des sauveurs. Avec le plus grand calme, chaque homme, restant à l’endroit où il se trouvait, se mit à tirer sur ces cuirassiers qui succombèrent sous ce feu rapide[1]. »

La débâcle de nos cavaliers rendit vains aussi les avantages éphémères que nous avions obtenus sur le Lansberg. Quelques groupes de zouaves, de turcos et d’hommes de divers régimens portés sur les hauteurs, les avaient reprises et étaient descendus sur les Prussiens qui, surpris, sans même essayer de résister, s’étaient enfuis vers la Sauer. Mais leur mouvement rétrograde avait dégagé les vues de l’artillerie de Gunstett : ne se trouvant plus masquée par ses propres troupes, elle avait recommencé son feu écrasant. Puis des troupes fraîches étaient accourues et, malgré la résistance foudroyante de nos mitrailleuses et de nos chassepots, le Lansberg avait été repris et gardé. La lisière méridionale du Niederwald n’allait pas tarder à subir le même sort. Les deux seules compagnies du 3e zouaves, non encore engagées, la défendirent jusqu’à la dernière extrémité par des feux rapides, mais elles ne purent empêcher les Prussiens d’approcher à cinquante pas. Elles lâchèrent pied et

  1. Hohenlohe.