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rapprochèrent de Gunstett, mais Tann s’avança selon le mode bavarois, mollement ; Kirchbach continua ses attaques et contre-attaques vers Wœrth ; Bose n’envoya pas sa XXIe division ; il ne ralentit pas son mouvement enveloppant, au contraire, il l’accéléra d’autant plus que la détresse de Lartigue devenait irrémédiable.

Lartigue avait employé ses dernières réserves jusqu’au dernier homme ; Guyot de Lespart qu’on lui avait annoncé ne paraissait pas et de Morsbronn un bataillon de fusiliers et le 32e prussiens montaient vers Eberbach. S’il s’attarde sur le plateau, il va être capturé ou détruit. Il fait filer vers Reichshoffen le convoi de la division sous l’escorte de gendarmes et d’une compagnie du génie ; il établit les batteries au-dessus de l’Eberbach et il fait sonner la retraite. Il lutte encore pour donner à ses tirailleurs, à ses chasseurs, à ses zouaves disséminés sur un large front, qui depuis cinq heures s’acharnent à défendre les pentes, le temps de rejoindre. Mais nos pertes en officiers sont si grandes qu’il est difficile de régulariser cette dernière résistance. A force de cris, de prières, de menaces, le colonel d’Andigné ramène au hameau d’Eberbach 5 à 600 hommes ; mais, à bout de force et de munitions, la plupart lâchent pied promptement. L’artillerie est obligée de se replier, une batterie sur Gunderhoffen, les deux autres par le bois de Reichshoffen. Lartigue et Fraboulet de Kerléadec, le fusil à la main, entourés d’une poignée d’infatigables, tiennent toujours derrière les haies d’un petit verger. Les Allemands sont arrêtés quelque temps à soixante mètres par un feu très vif. Néanmoins il est évident qu’ils vont l’emporter. Notre dernier lancier d’escorte est tué ; le général et son état-major s’arrachent de ce verger dont les branches hachées par les balles leur tombent dans les yeux ; les zouaves battent en retraite en tiraillant ; mais il ne peut plus être question de défendre aucune position : les hommes n’en peuvent plus et n’en veulent plus. Tout est en déroute de ce côté (2 h. 30).

Maître, par la possession de la ferme du Lansberg et de Morsbronn, de deux solides appuis sur la rive droite de la Sauer, Bose est en mesure de tenter un effort suprême contre le Niederwald dont il ne tient la lisière que du côté oriental. La lutte dans le Niederwald ne nous est plus possible. Le colonel Bocher, jugeant que son régiment, qui depuis le matin