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côtoyaient, marchaient des wagons à vide ; on leur avait offert de les prendre : mais ils n’étaient pas pressés ; ils ne supposaient pas les Prussiens assez indélicats pour nous battre avant qu’ils fussent en ligne. Ils pouvaient être arrivés en six heures ; ébranlés à sept heures et demie, ils devraient donc être là à deux heures. Ils ne se montrent pas.

Aucun secours ne nous arrive, et, au contraire, notre aile droite, la seule encore résistante, est assaillie par les Bavarois qui sont entrés en scène (3 h. 30) d’une manière efficace, depuis que le Prussien Eyl, avec deux bataillons, s’était jeté de sa propre initiative dans leur combat. Ils se présentent à la fois par le bois de Frœschwiller, par la route de Alte Mühle, par le vallon de la Scierie, par le bois de Langensoultzbach. Dans toutes ces directions, ils rencontrent la résistance décousue, éparpillée, mais tenace, infatigable, des débris de Lefebvre, de Lhérillier, de Ducrot, de Pellé. Le 2e turcos surtout est prodigieux, et, dans la défense du bois de Frœschwiller, acquiert autant de gloire que les zouaves au Niederwald. Ils avaient fermé le chemin de Alte Mühle par une barricade formée de leurs havresacs ; ils ne commençaient le feu que lorsque l’ennemi était à bonne portée ; quand ils avaient mis par la fusillade l’hésitation et le désordre dans les rangs, ils se jetaient en avant à la baïonnette avec des hurlemens effroyables. Leur colonel, Suzzoni, allant, venant au milieu d’eux, les encourageait, disant : « Du calme ! du calme ! Ne tirez pas trop vite ! ménagez vos cartouches. » Mais leur intrépide chef tombe (4 h. 15). Se sentant frappé à mort, il appelle un vieux sergent et lui dit : « Prends le drapeau, sauve-le. » Le vieux brave serre la main de son colonel, roule le drapeau autour de la hampe, appelle quatre de ses plus vaillans camarades et disparaît dans le bois avec le dépôt sacré. Cependant les cartouches s’épuisent, les groupes s’éclaircissent, et le vigoureux et intelligent lieutenant-colonel du 48e Thomassin, combattant à côté des turcos, avec une intrépidité digne de ces enfans du soleil, est frappé et va rouler aux pieds de l’ennemi.

Les Bavarois, que leur nombre sans cesse grossi rend irrésistibles, font des progrès sérieux sur le plateau qui monte à Frœschwiller, et leur mouvement tournant vers le Nord se développe (4 h. 45). Ils obligent les batteries de Ducrot établies dans la partie basse du village à s’éloigner ; ils nous