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de Bose. Et si, en se déplaçant vers la lisière Nord du Niederwald, les batteries de Gunstett n’avaient pas donné un point d’appui formidable à l’infanterie prussienne en désarroi, le mouvement tournant se fût arrêté au pied d’Elsasshausen.

Dès lors, si tout d’abord nous avions fortement occupé Gunstett, nous aurions conjuré la véritable cause de notre perte. Qu’est-ce qui a empêché Mac Mahon de le faire ? Est-ce son incapacité, comme on le dit ? Pas du tout ; c’est son impuissance. Ses troupes trop peu nombreuses n’étaient pas en mesure d’occuper tous les points de la position. Donnez-lui un corps d’armée de plus, la supériorité numérique des Prussiens est en partie annulée ; Gunstett est occupé, le mouvement tournant des Bavarois n’est plus à redouter ; nous ne pouvons être assaillis qu’en face par les ponts et la journée est gagnée.

Nous sommes conduits à constater ainsi la cause véritable de la défaite de Wœrth : l’insuffisance du nombre. Nous pouvions sans forfanterie nous considérer comme à nombre égal tant que nous n’étions que un contre un et demi ; mais un contre deux, c’était au-dessus de nos forces. Les Allemands ne purent d’abord se persuader que leurs 81 277 hommes et leurs 300 bouches à feu eussent été tenus en échec toute une journée et souvent mis en alarmes par 40 990 hommes n’ayant que 131 bouches à feu. Leurs dépêches annonçaient que Mac Mahon avait été augmenté par des renforts le matin et pendant la bataille. « On les voyait, dit le premier rapport de guerre du Prince royal, arriver en chemin de fer. C’étaient des détachemens des corps Canrobert et Failly qui, à peine arrivés de Châlons, de Grenoble, d’Angoulême, étaient dirigés sur le champ de bataille. » Plût au ciel que les yeux de l’état-major prussien eussent bien vu ! Si des renforts fussent arrivés avant et pendant la bataille, les Prussiens n’auraient pas chanté victoire ce soir-là

Le douloureux est que cette supériorité du nombre, par laquelle nous avons été accablés, n’était pas fatale. Il n’eût tenu qu’à nous de la contre-balancer. Qui nous empêchait de ne pas laisser les trois corps de Mac Mahon, de Douay et de Failly répartis sur 230 kilomètres, et de les concentrer à telle distance qu’ils pussent se secourir ? Ayant tout ce qui était nécessaire pour vaincre, nous n’avons pas su nous en servir. Ainsi, nous nous trouvons toujours ramenés à la cause réelle de nos désastres :