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programme en vue de cet objet. De plus, pour agir par l’exemple et fournir un modèle aux membres de cette commission, Necker créait de ses deniers, au quartier Saint-Sulpice, une maison destinée aux malades indigens, où seraient appliquées toutes les règles et prescriptions que la médecine du temps estimait désirables. C’est l’hôpital qui, aujourd’hui encore, porte le nom de son généreux fondateur. Mme Necker en fut la directrice et garda cet emploi jusqu’à l’époque de la Révolution. Un traité passé en due forme avec la communauté des Filles de la Charité de Paris[1] assurait l’assistance de onze religieuses de cet Ordre, pour soigner les malades et pour faire marcher la maison, sous l’autorité supérieure d’une laïque et d’une protestante.


VII

D’après ce que je viens de dire du traitement réservé, avant la réformation de Necker, aux malades indigens, on peut imaginer quel était, à la même époque, le sort des prisonniers., qu’ils fussent détenus avant jugement, ou que, condamnés par sentence, ils expiassent leurs fautes dans les geôles. Si les hospices étaient des bagnes, que devaient être les prisons !

Quelques années auparavant, la Cour des Aides, par l’organe de Malesherbes, avait déjà signalé à Louis XV certains barbares excès, vestiges du moyen âge, et particulièrement les cachots de Bicêtre. « Ces cachots, écrivait Malesherbes[2], sont tels, qu’il semble qu’on se soit étudié à ne laisser aux prisonniers qu’on y enferme qu’un genre de vie qui leur fasse regretter la mort. On a voulu qu’une obscurité entière régnât dans ce séjour. Il fallait cependant y laisser entrer l’air nécessaire pour la vie ; on a imaginé de construire, sous terre, des piliers percés obliquement dans leur longueur et répondant à des tuyaux qui descendent dans les souterrains. C’est par ce moyen qu’on a établi quelque communication avec l’air extérieur, sans laisser aucun accès à la lumière. Les malheureux qu’on enferme dans ces lieux humides et infects sont attachés à la muraille par une lourde chaîne, et on leur donne de la paille, de l’eau et du pain. Votre Majesté aura peine à croire qu’on ait eu la barbarie de tenir plus d’un mois, dans ce régime d’horreur, un homme

  1. Acte signé le 21 juillet 1778. — Archives de Coppet.
  2. Mémoire adressé au Roi en 1770.