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Ce palais des livres, où règne ordinairement un silence recueilli, a résonné, hier après-midi, des éclats de rire, des protestations, des querelles de la nouvelle couvée. Voici comment. À la suite d’une conversation avec Mlle Cécile Bernier, l’amie « intellectuelle » des petites Demonville, au cours de laquelle cette brune enfant m’énervait par son outrecuidance, je lui avais déclaré qu’à mon sens, ses contemporains ou contemporaines présens, et elle-même, ne savaient à peu près rien, dans le sens profond et vrai du mot, sauf le tennis, le patinage, et quelques termes, peu nombreux et à demi compris, de langues étrangères. J’exceptais de ce jugement (Georges de Lespinat, parmi les « grands. » et Pierre et Simone, parmi les « petits… » Vous imaginez l’indignation de notre intellectuelle en jupe courte… Peu s’en fallut qu’elle ne m’injuriât. Comme je tenais bon, elle appela en témoignage, et à la rescousse, tout le reste de la bande ; bientôt, il me fallut tenir tête aux trois Demonville, à Noël, aux deux Footner : ces deux derniers protestaient d’ailleurs sans violence, et seulement, je le compris, pour l’honneur de la vieille Angleterre. Sylvie, seule, se taisait, contente que j’eusse excepté Georges de mes sévérités… On me défia de prouver ce que j’avançais : l’ignorance foncière, l’absence de culture profonde de la nouvelle couvée. Je relevai le défi. Il fut convenu qu’au premier jour de pluie empêchant les excursions et les jeux de plein air, la jeunesse des trois châteaux voisins se réunirait dans la Bibliothèque d’Ambleuse, qui nous parut à tous un champ des plus convenables pour ce tournoi d’esprit. Je poserais à chacun des jeunes seigneurs réunis une question « raisonnable, » sur les matières que normalement des gens de leur âge et de leur milieu peuvent et doivent connaître. Si l’unanimité des concurrens proclamait que la question était « hors du cadre, » je cédais, j’en posais une autre.

(Je vous entends, Françoise, vous écrier : « Dieu, que vous êtes pion, mon cher oncle ! » — Soit ! ma nièce. Je suis pion, je » conviens. Mais par ce temps où si peu de gens ont le goût de étude, faut-il railler ceux qui gardent le goût d’enseigner ?)

… J’eus vite fait de composer dans ma tête le menu de ces agapes instructives. Et. sur de ma victoire, j’attendis la première