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été si rapidement et si aisément déracinée ? » Mais il n’y a qu’à jeter les yeux sur les études publiées ici même par M. de Ségur pour reconnaître que, si tout n’est point parfait, hélas ! dans notre démocratie contemporaine, tout ne l’était point non plus, sous l’ancien régime, — et pourtant avec un roi excellent. Qui nous garantira donc que les fautes commises dans le passé ne le seront plus dans l’avenir ?

J’ai eu tort de dire tout à l’heure que M. Lemaître n’avait pas encore répondu aux objections qu’il avait autrefois formulées lui-même. Il sait, et il dit qu’elles sont « très fortes, » et pour qu’il le dise, il faut bien qu’elles soient, — logiquement, — insurmontables. Mais il compte, pour les résoudre, pour ruiner « la montagne de préjugés qui s’oppose au rétablissement de la monarchie, » sur ce qu’il appelle « une heureuse intervention de la force, » ou, plus élégamment encore, « des événemens d’une utile brusquerie. » Si nous traduisons en termes concrets cette ingénieuse périphrase, nous dirons, à raisonner suivant les vraisemblances historiques, que « le retour du Roi » ne saurait être procuré que par une révolution plus sanglante peut-être encore que ne l’a été celle qui a dépossédé ses ancêtres, ou par une guerre malheureuse. Que M. Jules Lemaître me pardonne de croire ce qu’il croyait en 1904, que « cela ne paraît pas très proche et serait extrêmement hasardeux. » Et qu’il ne m’en veuille pas surtout, si, par un reste de « romantisme » sans doute, je me redis ici les vers si humains du poète qu’il a tant aimé :


Je ne puis, j’ai souci des présentes victimes :
Quel que soit le vainqueur, je plains les combattans,
Et je suis moins touché des songes magnanimes
Que des pleurs que je vois et des cris que j’entends.


II

« Le « bloc » nous fait des loisirs, puisque toute résistance particulière à sa tyrannie semble momentanément inutile. » Ainsi s’exprimait en 1904, avant sa conversion royaliste, l’auteur des Contemporains. Or, à quoi eût-il employé ces « loisirs, » sinon à écrire ? Pour un écrivain tel que lui, les Lettres, les bonnes Lettres étaient le vrai, l’unique refuge. A la grande surprise de quelques-uns, il ne revint pas à la critique. A la