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le respect et le culte de ces hautes vertus individuelles ou sociales. Et je sais bien qu’il n’en recherche pas le fondement mystique, qu’il humanise, eu y mêlant un reste de sagesse antique, tout ce christianisme, qu’il naturalise, si je puis dire, ce surnaturel. Mais la survivance, en un très libre esprit, du vieil idéal chrétien n’en est pas moins significative, ni moins curieuse à signaler.


III

Cette survivance, nous ne la retrouverons pas au même degré dans les dernières œuvres critiques de M. Jules Lemaître : je veux parler de ses livres, ou plutôt de sa suite de conférences sur Rousseau, sur Racine, sur Fénelon et sur Chateaubriand. Les circonstances, on le sait, ont rendu une chaire à l’auteur des Contemporains ; et, quels que soient les succès qu’il ait jadis remportés à Grenoble, à Besançon ou à Alger, je ne pense pas qu’ils aient été jamais aussi vifs que ceux que lui ont valus ses lectures publiques de la Société des Conférences. Tout Paris a fait, comme il convenait, fête au délicieux écrivain, au fin lettré, à l’admirable diseur.


Tout Paris pour Chimène eut les yeux de Rodrigue.


Et, s’il s’est trouvé quelques voix discordantes, elles se sont perdues dans l’universel concert des applaudissemens.

Un de mes amis, — un vrai, celui-là ! — esprit chagrin, fertile en boutades, et même en paradoxes, souvent excessif dans l’éloge comme dans le blâme, me tenait un jour ces propos au sujet des récentes conférences sur Chateaubriand. Je vous les livre dans toute leur vivacité originale : non pas que j’y souscrive le moins du monde ; mais si par hasard il s’y cache une « âme de vérité, » vous saurez bien la discerner :

« M. Lemaître. — me disait-il, — a une belle audace. Sur tous ces sujets dont la pleine maîtrise exigerait, pour chacun d’eux, quatre ou cinq années, au moins, de recherches et d’études, il a entrepris d’écrire, en cinq ou six ans. et parmi d’autres occupations, non pas quelques articles, mais des livres. Car mettons à part Racine, dont l’œuvre, la vie et la pensée peuvent être))lus aisément explorées, surtout pour un vieil humaniste comme l’exquis auteur des Impressions de théâtre, —