Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/860

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une raison d’être. Et c’est peut-être ce qu’il n’aurait pas été mauvais de montrer dans un livre sur Fénelon.

Quant aux conférences sur Chateaubriand... Mais nous ne les avons pas encore sous leur forme définitive ; et j’attendra qu’elles soient recueillies en volume pour en parler avec quelque détail. Nous savons déjà que M. Lemaître n’a pas cru devoir faire bénéficier René de la haute et intelligente sympathie qu’il avait jadis si généreusement prodiguée à Lamartine. Le plus grave peut-être est qu’il voudrait nous persuader qu’il adore Chateaubriand. « Et si vous croyez que je ne l’aime pas tel qu’il est, ah ! combien vous vous trompez ! » Je souhaite que jamais aucun critique ne s’avise d’ « aimer » M. Jules Lemaître, comme il « aime, » lui, l’auteur des Mémoires d’Outre-Tombe.

Mais il sera beaucoup pardonné à M. Lemaître, — au moins parmi les fervens des Lettres, — pour avoir écrit un livre délicieux, — et si vraiment racinien ! — sur Jean Racine. Cette fois, entre le poète et son critique, il y avait cette sympathie secrète, cette complète harmonie préétablie, ces affinités intimes, qui sont peut-être la condition essentielle de tout chef-d’œuvre. Ses goûts personnels, son tour d’esprit, d’imagination et de style, et jusqu’à la nature et à la qualité de son âme, son éducation classique, sa carrière littéraire, et jusqu’à ses nouvelles doctrines politiques, tout prédestinait l’auteur des Médaillons et de l’Age difficile à parler admirablement de Racine ; et c’est ce qui eut lieu. On pouvait d’ailleurs le prévoir, — et c’est sans doute pour cela qu’on lui a « demandé » te livre, — car dans l’œuvre souvent exquise de M. Jules Lemaître, il n’y a rien de plus exquis que ses feuilletons sur le poète de Phèdre et son discours de 1890 sur Racine et Port-Royal, — feuilletons et discours auxquels il fera dans ses conférences le plus d’emprunts possible :


Cet asile de l’ascétisme janséniste fut le berceau du génie qui fit les plus belles peintures et les plus harmonieuses de ces passions de l’amour, de ces « mouvemens désordonnés » contre qui tant de saintes âmes luttèrent ici dans une anxieuse pénitence. Cette terre, nourrice de sainteté, fut aussi mère de beauté, et de la plus émouvante et de la plus séductrice de toutes.

Et enfin le plus doux paysage français, fleurs, ombrages, eaux légères, courbes du sol et ondulations caressantes, ciel tendre et souvent mélancolique,