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paya 378 livres pour les « droits de maîtrise, » 30 livres pour le brevet, prit enseigne, rue du Cœur-Volant « au coin de celle des Quatre-Vents » et, le 9 novembre 1711, conduisit, rayonnant, Marie-Jeanne à l’autel.

Cinq enfans allaient naître de l’amoureuse union[1]. Louis, le futur Carmontelle, vint au monde le troisième, le 15 août 1717. Les registres de Saint-Sulpice, si fâcheusement brûlés avec les autres documens paroissiaux, lors des stupides incendies allumés par la Commune, mentionnaient son acte de baptême. Un ami de son père, le sieur Louis Bréchot, marchand épicier, fut choisi pour son parrain.

La bonne fée des légendes populaires veillait sur le berceau du nouveau-né. Son bienfaisant pouvoir allait lui prodiguer les avantages d’esprit, les qualités naturelles les plus propres à le pousser dans le monde, à favoriser sa route dans une société assurément futile et dissipée, mais délicate, intelligente et, somme toute, facile à qui savait la distraire : agrément de la personne, aménité du caractère, la plus pénétrante faculté d’observation, de la malice sans méchanceté, une verve pétillante et jamais lassée, surtout une incroyable puissance d’assimilation. L’ami Carmontelle, écrira Grimm, plus tard, « fournit des pièces comme un pâtissier des petits pâtés » et Mme de Genlis, censeur peu bienveillant, incline sa férule devant cet homme « si doux, aux mœurs si pures, aux talens si aimables, qui n’excita jamais la haine ni l’envie et fut toujours aimé, loué, considéré. »

Les renseignemens nous font défaut sur l’enfance et l’éducation première que reçut Carmontelle : lacune regrettable et qui, selon toute vraisemblance, ne sera jamais comblée. Qui donc aurait pu deviner, en ces jours écervelés de la Régence, qu’un fils de courtaud de boutique laisserait sa trace dans l’histoire ? Sans doute, en compagnie de ses frères, dut-il recevoir une rudimentaire instruction professionnelle, à peine habillée des élémens indispensables de Despautère et de Rollin. Il n’est pas non plus défendu de supposer que quelque client obscur de l’échoppe paternelle, remarquant ses dispositions, ait envoyé l’enfant se dégrossir en l’une de ces écoles de quartier, dont

  1. Joseph Philippe, né le 27 octobre 1712 : Michel Philippe, 9 janvier 1714 ; Louis, 15 août 1717 ; Pierre, 25 septembre 1718 ; Jacques Philippe, 27 septembre 1719.