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Marsolan, le contrôleur de la bouche Chaux, voire les simples porteurs de livrée, le suisse Emery, le courrier Lafontaine, le cocher Delahaye devaient se trouver parfois médiocrement logés.

Au moment où Carmontelle prenait ses fonctions, le maître de Villers-Cotterets, premier prince du sang de France, était S A. S. Louis-Philippe, premier du nom, Duc d’Orléans, de Valois, de Chartres, de Nemours, de Montpensier et d’Etampes, Comte de Vermandois et de Soissons, Marquis de Coucy, etc.

Ce petit-fils du Régent frisait la quarantaine. Né d’un père dévot et réfugié en religion, beaucoup plus que son lignage français, il rappelait sa mère, la feue princesse Marie-Jeanne de Bade, grand, gros, robuste, le teint coloré, joufflu, déjà bouffi et insatiable mangeur. « Il était Allemand de pied en cap, écrit la baronne d’Oberkirch, brave prince, mais bien nul, » et Mme de Genlis, qui l’approcha fort, surenchérit, la bonne langue : « Il était très faible, ne savait rien juger par lui-même et ne voyait que par les yeux des autres. »

Avec cette figure de poupon gras, son apathie d’intelligence, il était difficile au pauvre duc de paraître spirituel. Son expression semblait plutôt bonasse, mais comme il s’agissait d’un fils de France, on s’accordait à la trouver « réfléchie. » D’ailleurs, cette indigence d’esprit et d’imagination ne l’empêchait pas, affirme d’Argenson, de se montrer « ferme, de bon sens, juste, droit, et haut comme le doivent être les princes ; » excellent homme au total, humain, charitable (le chiffre annuel de ses aumônes dépassait trois cent mille (livres), plein de cœur et naïf en amour...

Suivant l’usage, le « gros Philippe » s’était marié de bonne heure : mariage d’amour qui devait mal tourner. Il avait épousé sa cousine, cette princesse Henriette de Bourbon-Conti, dont les dévergondages étonnaient la cour de Louis XV, cependant mal commode à scandaliser, et qui, selon le mot de la duchesse de Tallard, « avait trouvé moyen de rendre indécent jusqu’au mariage. »

Aussi, lorsque l’impudique était morte, son désabusé mari ne l’avait-il pleurée que très relativement. Il avait pris le deuil, d’un cœur léger, en la compagnie avouée de Mademoiselle Marquise ou plutôt Le Marquis, de la Comédie Italienne, section du corps de ballet et, disaient ses bonnes camarades,