Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/892

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Vérité dans le Vin, le Galant escroc, la plupart des pièces qui composent le Théâtre de société, furent ainsi représentées à Bagnolet ou à Villers-Cotterets. Monseigneur ne dédaignait pas d’y tenir son rôle et de monter sur les planches. Il excellait, paraît-il, dans les rôles de paysan « qu’il jouait fort rondement, avec beaucoup de naturel. »

La débonnaire Altesse coulait ainsi des jours heureux et son bonheur eût été sans égal si la désobligeance mondaine ne l’avait contrarié.

Peu de femmes acceptaient ses invitations si largement prodiguées. La grâce de leur sourire n’égayait pas Villers-Cotterets et, tristement, le pauvre duc se sentait mis en quarantaine. La présence de Mlle Le Marquis éloignait ces dames de la « bonne compagnie. » Ce n’est pas, grand Dieu, que leur vertu s’offusquât d’une liaison irrégulière. Sans révolte, leur pudeur acceptait à Versailles bien d’autres compromissions. Mais ici, la favorite n’était pas née, et l’amant n’avait point songé à trouver un Guillaume du Barry pour décrasser sa roture. Or, ce qu’une personne de qualité devait souffrir ou considérer chez une égale, elle ne pouvait, en conscience, le supporter d’une « créature y, et d’une « fille de rien. » Aussi, celles qui consentaient à se commettre, Mmes de Beauvau, de Grammont, de Ségur, de Luxembourg, dépitées « de perdre les agrémens et l’utilité qu’on rencontre dans la société des grands, » avaient-elles conçu le projet de décazaner le prince et de lui chercher des complaisances mieux accordées à son rang.

Les circonstances favorisèrent un si louable dessein. A l’Ile-Adam, chez le prince de Conti, l’arbitre des élégances intellectuelles et mondaines, Philippe d’Orléans rencontra Mme de Montesson.

« Notre siècle, a écrit Chamfort, a produit huit grandes comédiennes, quatre de théâtre, et quatre de la société. Les quatre premières sont Mlle d’Angevilie, Mme Duménil, Mlle Clairon et Mme Saint-Huberti ; les quatre autres, Mme de Montesson, Mme de Genlis, Mme Necker et Mme d’Angivilliers. » Sans doute, en égalant à l’illustre tragédienne, créatrice de Zulime et de Sémiramis, celle dont nous devons maintenant tracer un rapide portrait, l’amer et mordant satirique évoquait-il un souvenir de ses humanités ? Comme l’empereur Auguste, en effet, Charlotte-Jeanne Béraud de la Haye de Riou, marquise de Montesson,