Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/933

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parut à la fin, gracieuse, élégante, claire de visage et sombre de vêtement, en son costume, en son capuchon, j’allais écrire en son domino noir, chacun se dit tout bas avec Molière : « Peste ! voilà une malade qui n’est pas tant dégoûtante. »


Il n’est pas certain que M. Gabriel Pierné suit un musicien de théâtre. Mais assurément, dans son dernier oratorio comme dans les précédens, il vient de se montrer un pur, un délicat, un délicieux musicien.

Peu de sujets ont plus de charme, et de tout genre, que la vie et la figure de saint François d’Assise. M. Gabriel Nigond s’est contenté de choisir dans les Fioretti quelques épisodes, les plus connus, et de les traduire en un langage poétique, où l’on trouverait seulement à reprendre quelques traits de mièvrerie et de préciosité. Le poète a disposé les tableaux dans l’ordre suivant : un prologue (la jeunesse de François et ses fiançailles avec la Pauvreté) ; deux parties ensuite, comprenant chacune trois scènes : la rencontre du Lépreux (encore un lépreux !) le colloque de frère François avec sœur Claire et la prédication aux oiseaux ; les stigmates, le cantique du soleil et la mort.

Un des caractères principaux de l’admirable histoire du Poverello, c’est, qu’à la fois humaine et divine, sublime et familière, elle se partage entre le surnaturel et la nature. L’un et l’autre s’y mêlent et s’y fondent ensemble. Et ce n’est pas non plus le moindre mérite, ni le moins sensible tout d’abord, de M. Gabriel Pierné, que d’avoir su réaliser et soutenir, d’un bout à l’autre de son ouvrage, cet accord harmonieux. Vous connaissez la devise, et la démarche, des mystiques : « Ab exterioribus ad interiora, des choses extérieures vers les choses intérieures. « Il convient peut-être de la suivre aujourd’hui, et, pour analyser une œuvre tout imprégnée de mysticisme, d’aller du dehors au dedans.

Le dehors, les dehors enveloppent, sans l’étouffer jamais, l’œuvre entière. Elle baigne ici dans la lumière de midi, là, dans l’ombre du soir. La cloche du couvent y répond à la clochette des troupeaux et les oiseaux, comme bien vous pensez, y font leur plus joli ramage. Dès le début, quand se sont éloignés les jeunes fous que François, pour la première fois, a refusé de suivre, la paix, la grâce du paysage attendrit l’âme rêveuse du fils de Bernadone. Elle l’emplit même d’une telle joie et de si ravissantes délices, qu’avec une ferveur pathétique il supplie le Seigneur de lui en épargner au moins le trouble et l’amollissante ivresse. Pour l’évoquer, ce paysage, il suffit