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la nourriture et l’éducation diligentes des enfans ; pour quelques raisons subsidiaires encore qu’on verra au cours de la citation ; il faudrait, en marge du mariage, tolérer le concubinat. Plus que jamais j’avertis que c’est Nietzsche qui parle : « Les nobles femmes, d’esprit libre, qui prennent à tâche l’éducation et le relèvement du sexe féminin ne devraient pas négliger un point de vue : le mariage, conçu dans son idée la plus haute, comme l’union des âmes de deux êtres humains de sexe différent, conclu en vue de produire et d’élever une nouvelle génération ; un tel mariage, qui n’use de l’élément sensuel que comme d’un moyen rare, occasionnel, pour une fin supérieure, a vraiment besoin, il faut le craindre, d’un auxiliaire naturel qui est le concubinat. Car, si, pour la santé de l’homme, la femme mariée doit aussi servir et seule à la satisfaction du besoin sexuel, c’est dès lors un point de vue faux, opposé aux buts visés, qui présidera au choix d’une épouse, et le souci des enfans sera accidentel, et leur bonne éducation infiniment invraisemblable. Une bonne épouse qui doit être une amie, une coadjutrice, une génitrice, une mère, un chef de famille, une gouvernante, qui peut-être même doit, indépendamment de l’homme, s’occuper de son affaire et de sa fonction propre [? Obscur] ne peut pas être en même temps une concubine. Ce serait d’une façon générale trop lui demander. »

Donc, le mariage et en marge le concubinat décent et discret, quoique avoué.

Remarquez que ce serait la même chose que dans l’Athènes antique ; mais à l’inverse. « Les Athéniens n’avaient dans leurs femmes légitimes que des concubines (et des génitrices) et d’autre part « ils se tournaient vers les Aspasies pour goûter les plaisirs de l’esprit. » Dans le système de Nietzsche, ils auraient à la maison les Aspasies qui seraient en même temps des génitrices, mais rien de plus, et auprès desquelles ils goûteraient tous les plaisirs nobles ; et ils auraient, au dehors, les concubines qui épargneraient aux honnêtes femmes la peine d’être des concubines. Cela est choquant ; mais quoi ? « Les institutions humaines, ou n’admettent qu’un très faible degré d’idéal, ou, si elles s’idéalisent, réclament de cette idéalisation un remède grossier, immédiatement nécessaire. » — Et ceci va très loin ; et la barbarie est d’abord la barbarie et puis elle devient la rançon de la civilisation, ce qui fait qu’on n’en sort guère.