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sera donné tout de même à sa fille, — mais par qui ! mais dans quel esprit !

Informée par sa mère, la jeune Française moderne, la Simone de seize ans n’affectera pas les ignorances qui lustraient le plumage de l’ancienne « oie blanche » (ainsi l’ai-je baptisée jadis, d’un mot qui a fait une belle fortune). Mais, mieux informée, si son âme est pure et droite, elle n’en aura que plus de souci de défendre en soi l’épouse et la mère de demain. Dans mes observations sur la nouvelle couvée, je constate avec plaisir que, — parmi beaucoup d’imprudences, parmi, hélas ! quelles faillites, — s’annonce et se développe le type de la jeune fille pour qui le flirt n’est qu’un amusement social, une façon gaie de comprendre l’éternel conflit des garçons et des filles, — mais qui se gardent jalousement contre les entreprises des garçons, et mettent à rester strictement des jeunes filles, et à être réputées telles, le point d’honneur que mettent les garçons à sauvegarder leur réputation de loyauté et de courage… Voilà, chère Françoise, la Simone que je veux : informée, ne jouant pas à l’innocente, ne répugnant nullement à ce que les jeunes gens la trouvent plaisante et la courtisent, mais excluant sèchement et définitivement quiconque, parmi eux, aura manqué aux règles strictes de la décence, ne tolérant ni mot ni geste qui prétende à diminuer la part réservée pour l’homme qu’elle aimera, qu’elle épousera, qui lui donnera des enfans.


Résolution : Sachant que leurs filles ne peuvent plus être ignorantes, les mères les instruiront elles-mêmes, et de bonne heure, à l’âge où cet enseignement est sans péril, et s’oriente vers l’instinct de la maternité, qui précède chez la fillette celui de la féminité. Après quoi, elles s’efforceront de leur inspirer le point d’honneur de la défense personnelle, comme on inspire aux garçons le point d’honneur du courage et de la loyauté.

Ayant fait cela, elles ne renonceront certes pas à surveiller les rapports sociaux de leurs filles avec les jeunes gens, mais elles laisseront cependant à celles-ci une liberté qu’on ne leur laissait pas à elles-mêmes, qu’on ne vous laissait pas à vous, Françoise. Elles chargeront leurs filles de préserver en soi l’épouse, la maman de demain : préservation non plus instinctive et causée par une vague pudeur, mais consciente et causée