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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/114

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des parens et des maitres une surveillance redoublée ; et, vu la nouveauté du système, vu le tempérament national de galanterie, la surveillance était plus nécessaire en France que partout. Avouons que les parens s’en sont tout bonnement affranchis. Jeunes gens et jeunes filles traversent donc, en France, une période assez dangereuse, où ils cherchent inconsciemment à établir le statut de leurs relations. Ils l’établiront, soyez-en sûre, ma chère Françoise ; ils l’établiront par la force des choses, par l’antagonisme des intérêts. Mais, provisoirement, le mélange a pour premier effet que les filles ont surtout envie d’égaler les garçons, d’une part, en adresse physique, en science, ce qui est bon, — d’autre part, en précoce expérimentation de la vie et en liberté, ce qui n’est pas sans danger. Je redis ici que je ne crois pas du tout la nouvelle couvée (section poulettes) moins morale que la précédente : je suis sûr qu’elle est moins pudique. D’où un problème inédit proposé à l’éducateur : de cette pudeur, charmante jusque dans son exagération, qui veloutait la jeune fille d’autrefois, — puisqu’il est certain que tout ne saurait être retenu, — qu’est-ce qu’il faut défendre à tout prix ? Qu’est-ce qui est essentiel ?

Il en faut retenir (et ce sera notre règle dans l’éducation de Simone) tout ce qui importe réellement au foyer futur, tout ce qui importe à la femme, à la mère que deviendra la jeune fille. Et, comme on se saurait aller contre son temps, il faut résolument sacrifier le reste.

Mères françaises, ne vous leurrez pas de l’espoir que vos filles seront « ignorantes » comme peut-être vous l’avez été. Et voici mon conseil absolu : chargez-vous vous-mêmes du grave soin de ne les point laisser ignorantes. « La morale, a dit Nicolay, consiste bien plus à enseigner la lutte contre le mal qu’à poursuivre le chimérique espoir que l’enfant grandira dans une naïveté idéale, tout en vivant dans l’air délétère que nous respirons. » Et Fénelon : « N’ayant pas de curiosité raisonnable, les jeunes filles en ont une déréglée… »

C’est la « curiosité raisonnable » qu’il importe de. satisfaire, et pas trop tard ! Les leçons de puériculture, données à des fillettes très jeunes, les apaisent, dérivent sur la maternité leurs anxiétés de savoir… Retarder cet enseignement ou s’en abstenir, c’est une paresse criminelle de la part de la mère. La mère a déguisé en pudeur sa lâcheté devant un devoir pénible ; l’enseignement