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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/145

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d’une ancienne famille poitevine, qui avait donné huit chevaliers à l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Cadet sans fortune, il fut d’abord élevé à l’Oratoire ; puis, à douze ans, admis dans l’ordre de Malte comme page du grand maître Fonseca. Après trois ans de séjour dans cette école militaire de la noblesse européenne, il reçut la croix de chevalier. En 1768, sur la recommandation de son oncle, le comte de Bremond d’Ars, gouverneur d’Amboise, il obtint un brevet de sous-lieutenant au régiment de Royal-Piémont cavalerie. En 1774, il se trouvait avec son régiment à Carcassonne et s’y consumait dans les loisirs de la longue paix qui suivit la guerre de Sept Ans, quand les préparatifs d’une expédition espagnole contre Alger vinrent tenter son âme de soldat. Il prit du service en Espagne, après avoir remis à son colonel, Gabriel de Talleyrand, son brevet de lieutenant. La démarche était régulière et rendue alors assez commune par l’alliance perpétuelle des deux pays. Nombreux étaient les officiers nobles qui suivaient ce parti ; il suffira de noter que, jusqu’à son départ pour l’Amérique, ce fut sous les ordres de chefs français, le prince de Rohan et le duc de Grillon, que Liniers fit ses campagnes espagnoles d’Afrique et de Gibraltar.

L’expédition d’Alger fut un désastre ; mais le jeune Liniers, qui s’y battit avec entrain, en rapporta le goût de la marine, si bien que, de retour à Cadix en 1776, il obtint, après examen, d’embarquer comme enseigne de vaisseau sur l’escadre que Don Pedro Ceballos, premier vice-roi de Buenos-Ayres, armait contre le Brésil. La campagne s’ouvrait brillamment, quand le traité de Saint-Ildefonse y coupa court, en restituant aux Portugais tout le terrain conquis, sauf la fameuse Colonia. Trois ans plus tard, Liniers, déjà lieutenant de frégate, servait dans l’escadre de Cordoba qui opérait contre Minorque. À l’attaque de Mahon, où les Espagnols, commandés par Crillon, se couvrirent de gloire, il reçut une blessure assez grave et fut promu lieutenant de vaisseau. Il se signala encore, quelques mois après, au siège de Gibraltar, et en revint capitaine de frégate. Après une nouvelle et non moins infructueuse tentative de l’escadre de Barcelo contre les régences barbaresques, le capitaine Liniers, qui venait d’épouser une Malaguène d’origine française, passa trois ans à terre, occupé à des travaux d’hydrographie, Rappelé en France par l’amour du sol natal, retenu en Espagne