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Ils comptaient que la IIIe armée, s’étant débarrassée en Alsace de Mac Mahon, viendrait par la Haute-Sarre se joindre aux deux premières armées ce même jour.

Le 6 août, les divers corps de la IIe armée ne devaient que hâter leurs mouvemens vers la Sarre où elles arriveraient le 7. Un fait imprévu dérange cette combinaison : le 6 août au matin, des éclaireurs découvrent que les ponts sur la Sarre n’ont pas été détruits et que les hauteurs de la rive gauche sont libres. Ils communiquent cette nouvelle inattendue à tous les corps qui, selon les dispositions arrêtées la veille, s’avançaient vers la Sarre derrière le rideau formé par les Ve et VIe divisions de cavalerie. Une commotion électrique les soulève. Comment ! on leur livre un passage qu’ils s’attendaient à conquérir au prix de leur sang et de longs efforts ! Déjà habitués à notre manque de vigueur et d’audace, ils ne supposent pas que ce soit une invite captieuse à passer et à venir se heurter à une position où nous les attendions ; ils en concluent que, plus démoralisés et moins prêts qu’ils ne le pensaient, nous nous retirions en hâte.

Personne n’attend d’ordres. C’est à qui se jettera le premier sur le sol français. Le général de la Ve division de cavalerie, Rheinbaben, traverse Sarrebrück, accompagné d’un escadron de cuirassiers et d’un escadrons de uhlans ; il s’établit sur le champ de manœuvres. De petits partis de cavalerie tâtent le terrain au delà de la Sarre. La XIVe division du VIIe corps avait pour commandant le général de Kameke. Cet officier du génie, distingué comme Frossard, ne connaissait pas mieux que son adversaire les conditions d’une initiative stratégique, mais il était animé d’un esprit d’offensive que Frossard n’avait pas. Il dépêche au commandant de son corps, le général de Zastrow, afin d’en obtenir l’autorisation de passer la Sarre et d’occuper les hauteurs de la rive gauche. Le général de Zastrow, âgé de soixante-neuf ans, fatigué, ne va pas voir ce qui se passe. Il ne répond ni oui ni non : il laisse Kameke libre de prendre le parti qu’il voudra. Kameke, sans même attendre cette permission, avait pris le parti de s’emparer de Sarrebrück. Il a la surprise d’y trouver le général commandant sa brigade d’avant-garde, François, qui l’avait devancé sans autorisation lui aussi. Là un rapport, de cavalerie inexact lui signale que nous nous embarquons à Stiring et à Forbach, couverts par deux bataillons, un escadron, une batterie.