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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/154

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rendre, qu’il fit porter par son aide de camp. Cette démarche audacieuse ne faisait que traduire militairement la véritable situation, qui n’avait pu échapper à l’œil exercé de Liniers ; elle était intenable devant une attaque énergique des troupes, appuyée du concours matériel et moral de la population. Beresford l’ignorait moins que personne. Sa réponse écrite à l’arrogant cartel en était la meilleure justification : il refusait de se rendre, comme l’exigeait son honneur de soldat, mais en ajoutant qu’il résisterait jusqu’aux limites extrêmes « fixées par la raison, » il révélait lui-même son peu d’espoir dans la victoire.

L’attaque décidée, il fallait d’abord s’emparer du Retiro ou Plaza de Toros, poste avancé au Nord de la ville qu’occupaient 200 soldats anglais. Une charge à la baïonnette délogea l’ennemi, qui battit en retraite vers la citadelle. Un renfort envoyé par Beresford ne put arrêter l’élan des volontaires de Buenos-Ayres et de Montevideo, appuyés par quelques décharges de mitraille qui balayèrent la rue ; la colonne anglaise décimée courut s’enfermer dans la Plaza Mayor en laissant la rue semée de cadavres. Mais il était tard et Liniers ne put que se fortifier dans ses positions. La journée du lendemain fut employée par les Buenos-Ayriens à débarquer la grosse artillerie de marine pour la braquer sur la citadelle où Beresford était résolu à se défendre. Ce fut le 12, dans la brume épaisse de ce matin d’hiver, que l’action décisive s’engagea. Liniers avait divisé sa petite armée en trois colonnes, qui devaient respectivement tenter de déboucher par un des trois angles de la Plaza Mayor. Celle-ci était barrée à l’Est, du côté du fleuve, par une galerie d’arcades, dite la Recova, qui la séparait de la place d’armes où s’élevait le Fort. L’attaque convergente était pour midi, mais l’ardeur de Mordeille la précipita. Vers neuf heures, dans la cuadra de la cathédrale qui lui était assignée, il se glissait avec ses matelots rasant les murs à la faveur de la brume, tandis que les miquelets catalans en faisaient de même de l’autre côté de la rue, quand ils furent découverts par un poste ennemi. L’alarme donnée, une colonne anglaise s’avança sur les assaillans qui tinrent ferme tout en demandant du renfort. Liniers, qui commandait personnellement la colonne du Nord, dut modifier son plan antérieur ; il envoya soutenir Mordeille par les milices de l’Uruguay, donna l’ordre à chaque colonne de gagner la place à