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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/339

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A la fin, il demande une chaise, s’y installe en haut de la pente où s’élève la maison, en disant à Bosinney de montrer à Irène le terrain pendant qu’il regarde la vue.


Il était assis près du chêne, droit et carré, le bras tendu et appuyé au pommeau de sa canne, sa pelisse ouverte, son grand chapeau surplombant le pâle rectangle de sa figure, son regard vide fixé sur le paysage.

Ils s’éloignèrent dans les champs. Vraiment, il n’était pas fâché d’avoir un moment de réflexion à lui. L’air sentait bon ; le soleil pas trop chaud ; belle vue... Certainement, une vue remarqua... Sa tête dodelina, il la redressa, il la releva, et pensa : Bizarre !... Ils... Bon !... Ils étaient en train de lui faire des signes du bas de la pente ! Il leva la main, l’agita plusieurs fois. Ils avaient l’air de se parler avec animation. Certainement, une vue remar... Sa tête tomba à gauche, se releva d’un sursaut, tomba à droite, y resta : il dormait.


Il dort, cependant qu’Irène et Bosinney disparaissent dans le bois plein de fleurs et de jeunes frondaisons. L’air est suave de parfums d’aubépines et de menthes ; le coucou chante au loin. Ils s’en vont, seuls, loin du monde, amoureux au sein de la libre nature, parmi tous les effluves et les langueurs du printemps. A nous d’imaginer ce qu’est leur promenade...


Il s’éveilla. Sa vigueur l’avait quitté ; il avait un drôle de goût dans la bouche ! Où diable était-il ?

Sacrebleu ! il avait dormi !

Il avait dû rêver quelque chose à propos d’une nouvelle espèce de soupe. Une soupe avec un goût de menthe.

Ces deux jeunes gens, qu’est-ce qu’ils étaient devenus ?

Sa jambe gauche avait les fourmis. Il appela son valet de pied : « Adolf ! » Le coquin n’était pas là ; le coquin devait être à ronfler quelque part !

Il se leva, grand, massif, volumineux dans sa fourrure, cherchant des yeux dans les champs. Il les vit qui revenaient.

Irène était en avant. Ce garçon... comment donc les autres l’avaient-ils baptisé ? Ah ! « le Brigand ! » Il avait joliment l’air d’un chien fouetté derrière elle ! Elle avait dû lui river son clou ! C’était bien fait ! En voilà une idée, de l’emmener si loin, sous prétexte de juger l’effet de la maison !

Ils ne bougeaient plus. Pourquoi, diable, restaient-ils là à parler, à parler ? Ils se rapprochèrent. Oui, c’était bien ça ! elle avait dû lui dire son fait ; drôle d’idée aussi de bâtir une maison comme celle-là ! une grande bête de machine ! Il les dévisagea de ses yeux de verre qui ne bougeaient pas. Ce jeune homme avait l’air très drôle !

— Vous ne ferez jamais rien d’une telle bâtisse ! lui cria-t-il à brûle-pourpoint. On n’a jamais rien vu de pareil.

Bosinney le regarda de l’air d’un homme qui n’entend rien ; et plus tard