Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la nudité dont il avait si amoureusement chanté la beauté.

Si le Bernin ne sculpta pas d’autres figures de femmes nues, il saisit toutes les occasions de montrer quelques parties du corps, une jambe, un bras, une poitrine, et lorsqu’il représente une figure voilée, il excelle par ses draperies à révéler les formes du corps. Nulle part, dans l’œuvre d’aucun sculpteur, on ne trouve une plus délicieuse galerie de beautés féminines.

Je marque ce caractère de l’art du Bernin, car ce fut le premier qui apparut dans son œuvre, et il en resta toujours un des traits essentiels. Mais, à côté de ce caractère, il en est un autre non moins notable et fort différent, le sentiment religieux. Le Bernin a passé sa vie à travailler pour les églises, et il eut une âme chrétienne. Sa sensibilité, son féminisme même, convenaient bien à cet art du XVIIe siècle qui eut tant de tendresse, et qui voulut par-dessus tout séduire les fidèles en s’adressant à leur cœur. L’œuvre du Bernin tient une place de premier ordre dans l’art chrétien. Il fut le peintre de l’amour divin et des extases, le peintre de ces âmes tendues vers des émotions surnaturelles.

Sa première œuvre chrétienne fut la statue de Sainte Bibiane, dont le brûlant regard tourné vers le ciel est l’annonce de ces expressions de mystique amour qui vont le passionner et dans lesquelles il sera inimitable. Très simple d’attitude, sans ces exagérations de mouvemens, d’agitations fébriles qui plus tard tordront ses figures, cette jeune sainte, semblable à une statue grecque, avec la sensibilité d’une âme chrétienne, est un des plus parfaits modèles de l’art du XVIIe siècle.

Ce sont ensuite, non plus seulement des statues isolées, mais des groupes, qui permettent au Bernin d’exprimer plus fortement une vie ardente. C’est, à Saint-Pierre in Montorio, le groupe représentant l’Evanouissement de saint François que soutiennent des anges, c’est la Madeleine prosternée aux pieds du Christ, dans la chapelle Allaleona, deux œuvres qui rivalisent avec les scènes les plus émouvantes de la peinture ; c’est enfin l’Extase de sainte Thérèse, qui, à juste titre, est restée l’œuvre la plus populaire du maitre, celle qu’il faut tenir pour la plus significative de son talent. Pour comprendre cette œuvre, parfois si inintelligemment critiquée, il suffit, comme commentaire, de se rappeler les paroles par lesquelles sainte Thérèse elle-même a décrit les extases que le ciseau du Bernin a tenté de faire revivre devant nos yeux. « Il a plu parfois à Notre-Seigneur,