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la noire. Le Maroc romain, la province de Maurétanie Tingitane, pour lui donner son titre officiel, ne correspondait que partiellement à l’empire de Moulaï-Hafid. Le Maroc actuel déborde les limites de l’ancienne Tingitane à la fois vers l’Est et vers le Sud ; vers l’Est où la frontière a toujours été dans l’antiquité le cours de la Moulouïa, la limite traditionnelle des royaumes de Maurétanie et de Numidie, de Bocchus et de Jugurtha. Lors de la conquête romaine, toute la région comprise entre la frontière algérienne et la Moulouïa, la zone de police algéro-marocaine du traité d’Algésiras, a été, conformément aux précédens, rattachée à la province voisine de Maurétanie Césarienne départemens d’Alger et d’Oran). Vers le Sud, la Tingitane excluait l’ensemble du Maroc méridional. Pline nous dit que la province mesurait, du Nord au Sud, 170 000 pas (251 kilomètres). Nous avons d’autres précisions. Le dernier poste romain sur la cote de l’Atlantique, celui d’Ad Mercurios, était situé à 174 milles (257 kilomètres de Tanger), à 16 milles (23 kilomètres) de Sala, vers l’emplacement de la Kasba Djedeïda. A l’intérieur, le point extrême de la pénétration romaine, la station de Tocolosida, était à 148 milles (2l9 kilomètres) de Tanger, dans la région montagneuse du Djebel Zerhoun, au Nord de Meknès.

Ces données précises permettent de rétablir dans son, ensemble l’ancienne limite du Maroc romain vers le Sud. Se détachant du littoral Atlantique vers la Kasba Djedeïda, la frontière franchissait l’oued bou Regreg en amont de la ville de Sala, se dirigeait vers l’Est entre le territoire des Béni Ahsen, au Nord, et celui des Zemmour au Sud, contournait le massif du Djebel Zerhoun, au Nord de Meknès, passait non loin de Fez et, par la vallée de l’oued Innaouen, la trouée de Taza, atteignait le cours moyen de la Moulouïa vers le confluent de l’oued Messoun. De la côte Atlantique à Fez, c’est la route suivie par la colonne volante de la Chaouïa, avec ses relais de Kasba Knitra, de Lalla Ito et du Djebel Zerhoun ; de Fez à la Moulouïa, c’est la ligne d’étapes un instant prévue pour une offensive possible des troupes algériennes de Taourirt. Supposons que l’anarchie marocaine ait exigé une marche simultanée des deux corps français sur Fez ; la route qu’ils auraient suivie pour opérer leur jonction eût dessiné le tracé même de l’ancienne frontière romaine.