Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pourquoi la Comédie-Française a-t-elle monté Sapho ? C’est, me dit-on, pour faire plaisir à une actrice qui d’ailleurs y est détestable. A cela il n’y a rien à répondre. Le roman est hors de cause ; il n’est pas, à mon avis, un des meilleurs qu’ait écrits Daudet ; mais il est fameux, il est classé, il est classique. Quoi qu’on puisse penser de l’œuvre originale, il reste que la pièce qu’en a tirée Adolphe Belot est dénuée de toute valeur littéraire. On a souvent posé la question de savoir si on peut d’un roman tirer une pièce de théâtre. Oui, certes ; mais à la condition que le roman soit complètement « repensé » pour être mis au théâtre. Il ne suffit pas de le découper, de façon à faire entrer dans chaque acte le plus grand nombre possible de scènes, de traits et de mots empruntés au livre. Ce système dépouillé d’artifice est celui que Belot avait appliqué à l’œuvre de Daudet. Il peut suffire à composer une seconde mouture propre encore à plaire au public, non une pièce de théâtre méritant d’être admise dans un musée de l’art théâtral.

Si encore la Comédie avait eu dans sa troupe des interprètes désignés pour quelques-uns de ces rôles ! Mais Mlle Sorel ne fera oublier ni Jane Hading, ni surtout Réjane. Elle n’a ni la séduction câline, ni les ressauts de vulgarité qui caractérisent Sapho. M. Grand a dans son rôle de Jean Gaussin la même raideur, la même brutalité que nous lui avons souvent reprochées. A quoi bon parler des autres ?


RENE DOUMIC.