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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/488

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« Nous attendrons notre heure. » L’heure du désastre leur parut l’heure attendue. Ils affectèrent naturellement de couvrir l’Empereur et de ne viser que le Ministère. Mais comme ils voulaient en venir à bout à tout prix, et qu’ils n’avaient pas besoin de s’occuper de la Droite dont ils étaient sûrs, ils mirent leur artifice à s’assurer la Gauche et à en obtenir qu’elle laisserait respirer l’Empereur tant que le ministère n’aurait pas été exécuté. Duvernois, dans son journal le Volontaire, patronna les prétentions les plus outrées de la Gauche. « On a eu le tort de renvoyer les Chambres, aujourd’hui on les réunit, mais pourquoi pas pour demain ? Pourquoi un délai ? Est-ce qu’il n’y a pas urgence ? On proclame l’état de siège. Soit ! mais alors qu’on s’occupe d’organiser sérieusement les milices parisiennes, sans hésitation, sans retard et sans exclusion. Plus on montrera de confiance au peuple, plus le peuple s’en montrera digne. »

D’autres membres de la Droite, très prononcés contre le Ministère, mais encore sincèrement dévoués à l’Empereur, crurent qu’avant de frapper le Cabinet, il était urgent d’obtenir le sacrifice de Le Bœuf afin que l’Empereur ne parût point responsable de la pitoyable stratégie dont les détails commençaient à être connus à Paris. Indépendamment de leurs démarches personnelles, ils prièrent eux aussi Schneider de solliciter de l’Impératrice une révocation indispensable.

Ainsi dans le monde parlementaire et politicien trois courans distincts s’avançaient avec une égale force : le premier contre l’Empire, le second contre le Cabinet, le troisième contre Le Bœuf, tous les trois sollicitant l’appui de Schneider. La réponse du président à chacun d’eux fut remarquable de sang-froid, de rectitude et d’autorité. Il écouta sans les interrompre les doléances de Jules Favre sur l’insuffisance du commandement de l’Empereur, sur la nécessité de le ramener à Paris, si fui voulait éviter une épouvantable catastrophe. Quand il en vint à son projet d’une commission gouvernementale prise dans le sein du Corps législatif, qui équivalait à la suppression du pouvoir impérial, Schneider l’arrêta d’un mot : « Vous croyez la dynastie impériale incompatible avec le salut du pays. Eh bien ! moi, je la considère comme y étant étroitement liée. »

Sa réponse sur le Ministère ne fut pas moins nette. Schneider n’était point particulièrement attaché à un Cabinet sorti d’un autre nid que le sien et qui conduisait ses affaires en dehors de