réussira qu’on entraînant la nation tout entière dans une politique d’action, orientée dans les voies traditionnelles où sa situation géographique et sa vieille histoire l’invitent à s’avancer. « La patrie, a dit Mazzini, c’est avant tout la conscience de la patrie. » Cette conscience s’acquiert par l’action en commun, par les dangers bravés d’un même cœur. C’est donc une politique d’exhaussement national qu’il faut pratiquer ; les écrivains nationalistes célèbrent les bienfaits de la guerre, « guerre de rédemption et d’espérance, » qui effacera le souvenir de Tunis, d’Adoua et fera sortir l’Italie de la situation de second plan qu’elle occupe dans la Triple-Alliance. L’idée impérialiste se développera par le succès, par la victoire. Nationalisme d’abord, impérialisme ensuite, tel est le processus. « Avant vingt ans toute l’Italie sera impérialiste, » répète M. Corradini[1]. « Il est nécessaire que l’Italie ait sa guerre ; sans quoi, elle ne sera jamais une nation. Elle fut autrefois un troupeau d’esclaves ; aujourd’hui, elle est un peuple, mais elle ne sera jamais une nation sans la guerre. Les peuples qui maintenant sont nation, ne devinrent tels que par la guerre. Et, sans la guerre, continuant à n’être qu’un peuple au milieu d’autres peuples qui sont des nations, nous resterons le proverbial pot de terre en face des pots de fer[2]. »
La conquête de la « Libye, » — la résurrection de ce vieux nom romain, pour désigner l’ensemble des terres dont l’Italie a proclamé l’annexion, est significative, — n’est qu’une première étape. Ensuite, l’Italie trouvera deux adversaires : l’Autriche, qui domine dans l’Adriatique et détient des terres « non rachetées ; » la France, maitresse de l’Afrique du Nord. Entre les deux, Crispi avait choisi ; mais, à partir de 1897, un rapprochement économique d’abord, puis moral et même politique s’était peu à peu opéré avec la France et l’on avait assisté à des manifestations de « fratellanza latina. » Jusqu’à l’automne dernier, la politique italienne paraissait plutôt dirigée contre l’Autriche. Le nationalisme italien, lui, ne choisit pas ; sans rejeter les alliances et les amitiés politiques, il ne les regarde que comme des béquilles provisoires ; il veut, à la manière des grands ancêtres, que l’Italie « fasse par elle-même. » Crispi est le héros favori des nationalistes. « Crispi fut le seul homme d’Etat italien qui se soit fait une grande conception de son pays, et qui ait porté toute