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incontestablement partie de l’Empire ottoman, et n’avait l’intention ni de l’envahir, ni d’essayer d’y établir une influence exclusive et dominante. C’est dans les polémiques de presse qui éclatèrent entre l’Italie et la France, au moment des manifestations anti-françaises de Milan, de Gènes, de Turin, que les journaux italiens réclamèrent, pour la première fois, la Tripolitaine et la Cyrénaïque comme une compensation à l’occupation de la Tunisie par la France. A l’époque où un rapprochement commence à se dessiner entre Rome et Paris, c’est dans la Méditerranée que, des deux parts, on recherche les élémens d’une entente ; c’est le moment où M. Delcassé, — comme nous l’avons exposé ici le 1er avril, — aiguille la politique française vers le Maroc. Après l’échec de son premier traité avec l’Espagne, c’est vers l’Italie qu’il se tourne. A la suite de la convention anglo-française du 21 mars 1899, fixant les limites des possessions des deux nations au Soudan, le gouvernement italien s’inquiète des conséquences que pourrait avoir ce traité pour l’Hinterland de la Tripolitaine. Des notes sont échangées à ce sujet en décembre 1900 ; et, en 1901, M. Prinetti peut déclarer au Parlement qu’à sa connaissance, « la France n’a pas l’intention de dépasser, dans les régions attenantes au vilayet de Tripoli, la limite indiquée par la convention du 21 mars 1899, non plus que d’entraver les caravanes. » Quelques jours après, M. Delcassé déclarait au correspondant du Giornale d’Italia, M. Ugo Ojetti, qu’en retour de cette assurance, l’Italie s’était engagée à ne rien faire qui pût gêner la France au Maroc. Donner de telles assurances à l’Italie qui, juridiquement, n’avait aucune qualité pour s’inquiéter des frontières ou du commerce de la Tripolitaine, province ottomane, équivalait à lui reconnaître des intérêts spéciaux, et, en quelque mesure, des droits, sur cette région. Pour exercer ces droits, il fallait les montrer menacés, et les Italiens n’ont pas manqué de le faire. Toutes les fois qu’ils se sont préparés à l’action, ils ont répandu le bruit que des rivaux cherchaient à les devancer. Le 16 mars 1903, le député de Marinis interpellait le ministre des Affaires étrangères sur de prétendus projets d’occupation anglaise des baies de Tobrouk et de Bomba ; il y voyait l’indice d’une entente entre la France et l’Angleterre, celle-ci donnant carte blanche à celle-là au Maroc, et la France, en échange, favorisant l’établissement des Anglais en Cyrénaïque. Le sous-secrétaire d’Etat Baccelli rassura l’interpellateur