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d’acte de brigandage. Le gouvernement partagea peut-être leur mauvaise humeur, mais il sut faire bon visage à mauvais jeu. Ce fut, dit-on, sur un télégramme de l’Empereur à M. de Kiderlen-Wæchter : « Fidélité absolue à l’alliance, » que l’Allemagne accepta la charge assez difficile de protéger les intérêts des nationaux italiens dans l’Empire ottoman. Si les marchandises italiennes n’ont pas été plus sévèrement boycottées, si l’expulsion des sujets italiens n’a commencé que tout récemment, bien qu’il en ait été question à plusieurs reprises, c’est à l’intervention de l’Allemagne qu’il le faut attribuer. Ces menus services, rendus à l’Italie alliée, ont servi à voiler les sentimens réels de l’opinion allemande dont les sympathies sont toutes du côté des Turcs ; le gouvernement lui-même, qui eût été plus qualifié qu’aucun autre pour exercer une action pacificatrice, n’en a jamais pris l’initiative et le baron de Marschall n’a pas cessé, jusqu’à son récent départ, d’encourager les Turcs à la résistance.

Le gouvernement austro-hongrois, guidé par des considérations d’intérêt politique, inspira aux journaux officieux des ménagemens à l’égard de l’Italie. Un politique aussi avisé que le comte d’Æhernthal, dès lors qu’il avait éloigné des Balkans le théâtre des hostilités, ne pouvait pas voir sans quelque satisfaction secrète la fièvre belliqueuse de l’Italie nationaliste trouver un exutoire loin de Trente et de Trieste « non rachetées, » aller se perdre en Afrique et s’user dans une conquête difficile qui immobilisera pour longtemps ses forces et arrêtera ses progrès économiques dans l’Empire ottoman. Le comte Berchlold suit la même ligne politique que son prédécesseur avec la pleine approbation de l’empereur François-Joseph. Les événemens ont donné raison à leur manière de voir. L’expédition de Libye est, pour le moment du moins, la fin de l’irrédentisme sous sa forme anti-autrichienne. L’activité de l’Italie descend vers la Méditerranée et abandonne les Alpes. Après les incidens du Carthage et du Manouba qui réveillèrent les passions anti-françaises du temps de Crispi, le langage des journaux italiens devint plus significatif encore. Le soir de l’odieux attentat dirigé contre le roi Victor-Emmanuel, sous prétexte que l’empereur François-Joseph avait, le premier, envoyé un télégramme de sympathie, la foule courut acclamer l’ambassade autrichienne. Dernièrement, l’amiral Chiari, connu naguère encore pour sa ferveur irrédentiste, écrivait