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pourrait incomber qu’à l’Italie, puisque ce serait dans le cas où sa flotte menacerait de nouveau l’entrée des Dardanelles. C’est l’une des raisons qui font que les Russes, aujourd’hui, avec toute l’Europe, souhaitent une paix prochaine.


VII

La paix ! la paix ! C’est le vœu général. Une guerre qui, même sans atteindre l’Empire ottoman dans ses œuvres vives, entretient l’inquiétude et l’effervescence dans tout cet Orient toujours prêt à s’enflammer, qui agite le monde de l’Islam et avance peut-être de beaucoup d’années l’heure où une redoutable question musulmane se posera, est un danger pour toute l’Europe et particulièrement pour les puissances qui ont façade sur la Méditerranée et pied à terre en Afrique. Les gouvernemens, les financiers, les commerçans souhaitent également la fin des hostilités. Les Italiens la désirent, mais à la condition que les Turcs et l’Europe les reconnaîtront comme légitimes possesseurs de la Tripoli tai ne et de la Cyrénaïque avec leur arrière-pays tel qu’il était délimité avant l’ouverture des hostilités. La guerre, qui dure depuis huit mois, leur coûte cher en hommes et en argent. Ils ont certainement dépensé déjà beaucoup plus de 500 millions de lires, sans compter l’usure de la flotte, et nous avons dit que l’expédition, même si les Turcs signaient la paix, ne serait pas finie. Par le feu de l’ennemi et plus encore par l’effet du climat et des maladies, l’armée a perdu beaucoup d’hommes ; une sorte de choléra sévit dans les camps ; il n’occasionne qu’environ 3 pour 100 de décès, mais tous ceux qui en ont été atteints doivent être rapatriés, et il faut les remplacer. De nouveaux renforts sont constamment envoyés. Le nombre des hommes partis d’Italie dépasse 120 000. La mobilisation italienne est désorganisée ; des complications européennes, qui surviendraient actuellement, prendraient l’état-major au dépourvu. Enfin, si le patriotisme de nos voisins ne se laisse pas rebuter par les difficultés de l’entreprise africaine, si leur nationalisme n’a rien rabattu de son enthousiasme pour la Libye, si Mme Mathilde Serao célèbre, dans une récente conférence à Rome, les bienfaits moraux de la guerre pour l’âme italienne, cependant une inquiétude générale commence à se répandre. Elle s’accroit par les récits des soldats qui ont vu de