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Gazette de la Bourse (de Saint-Pétersbourg), dès le 28 septembre, établissait le droit de la Russie à des compensations et réclamait « le libre passage de la Mer-Noire. » En décembre, la diplomatie russe fit une première tentative pour rouvrir devant l’Europe la discussion sur les détroits. Récemment, lors de l’attaque italienne à l’entrée des Dardanelles, — et bien que le détail précis des événemens soit mal connu, — il parait certain que l’escadre russe de la Mer-Noire a croisé non loin de l’entrée du Bosphore, soit dans l’intention d’intervenir si les Italiens forçaient l’entrée des Dardanelles, soit dans le dessein d’exercer, sur le gouvernement turc, une pression morale pour obtenir de lui la paix et l’engagement de ne plus fermer les détroits. Le rappel de M. Tcharykof, survenu au même moment, a paru accentuer le caractère de défiance vis-à-vis des Turcs que prenaient déjà les préparatifs militaires de la Russie et l’attitude de sa diplomatie. En Transcaucasie, sur les confins de la Perse, des troupes se rassemblaient et, de ce côté, les Russes paraissent avoir obtenu de la Porte tout au moins la promesse d’évacuer les territoires contestés qu’elle occupe indûment. On a pu se demander, vers la fin d’avril, si les jours d’Unkiar-Skélessi n’allaient pas revenir. Mais l’attaque annoncée ne s’est pas produite et les deux escadres se sont éloignées des deux issues des détroits ottomans : la question des détroits n’est pas résolue parce qu’elle ne peut l’être, radicalement, qu’avec la question plus haute de l’existence même de l’Empire ottoman en Europe. Les Turcs pourraient, sans inconvénient grave, ouvrir, dans certaines conditions, les détroits, en temps de paix, même aux navires de guerre des puissances riveraines de la Mer-Noire ; la France et l’Angleterre auraient intérêt à ce que l’escadre russe de Sébastopol soit libre de descendre dans la Méditerranée ; mais tant que l’Empire ottoman restera une grande puissance, garantie par le droit public européen, il ne parait guère possible de lui enlever le droit de fermer les avenues de sa capitale si elles sont menacées d’une attaque ennemie ; on ne peut que lui demander l’engagement de ne tenir les portes closes qu’autant que durera le péril. Les Turcs ont eu l’habileté de le comprendre : après avoir fermé les détroits au grand préjudice du commerce de toutes les puissances et en particulier des Russes et des Anglais, ils n’ont pas tardé à les rouvrir ; ils ont voulu prouver par là que, s’ils sont amenés à les fermer une seconde fois, la responsabilité n’en