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va réussir une fois de plus : « Apprenez, mesdemoiselles, toute l’étendue de notre malheur : Lentulus est parmi les morts. — Hélas ! mon pauvre frère ! » soupire Junia, convenablement éplorée. Mais sa voisine, poussant un grand cri, tombe sans connaissance. Or celle-ci, qui vient de se trahir, avec son complice, est Fausta, la nièce bien-aimée, un peu la fille de Fabius. Plein d’égards pour le pouvoir civil, le prêtre dit au magistrat, tout bas : « Calmez-vous... Je puis ne rien savoir. Ordonnez : que faut-il faire ? » Et le vieux Romain de répondre, — « avec un sublime courage, » porte la partition : — « Votre devoir. »

En attendant, Fausta va continuer de manquer au sien avec Lentulus retrouvé, dans le bois sacré attenant au temple de Vesta (troisième acte). Les deux amans ont été réunis dans cet asile par les soins d’un esclave gaulois, qui porte le nom médiocrement euphonique de Vestapor. L’intention et l’intérêt de notre compatriote est tout simplement de soustraire la vestale au supplice, de favoriser sa fuite avec Lentulus et, par l’impunité de la coupable, d’assurer le châtiment et la ruine de Rome, vouée désormais à la colère inexorable des Dieux.

Il en serait ainsi, les deux amans s’étant échappés en effet, si Fausta, prise de religieux et patriotiques remords, ne revenait se livrer elle-même (quatrième acte). Devant le Sénat, devant l’oncle Fabius, elle se déclare prête à subir le supplice pour son propre châtiment et pour le salut de la cité. Son arrêt est prononcé. Parait alors, en pleine assemblée, une figure entrevue à peine au premier acte, originale et vraiment tragique : une femme à cheveux blancs, aveugle, Posthumia, l’aïeule de la jeune prêtresse. Ignorante encore, mais alarmée par de vagues rumeurs, elle s’est fait conduire au Sénat. Elle écoute, elle interroge, et le silence qui l’accueille et lui répond suffit à l’instruire. Bientôt ses mains ont touché, presque reconnu le voile funeste qui déjà recouvre une tête chérie et vouée au trépas. Elle supplie alors, elle adjure, et de Fabius, puis de Fausta même, elle apprend toute la vérité. Mais elle épargnera du moins à son enfant, qui doit mourir, l’horreur d’une lente agonie. Croyons-en le poignard qu’elle reçoit de Fabius et qu’elle cache sous les plis de sa robe.

Elle revient au dernier acte, au dernier moment, et la dernière. Les rites funèbres sont achevés. Fausta va descendre, vivante, au tombeau. Alors Posthumia, l’étreignant d’une suprême étreinte, essaie de glisser entre ses mains le fer. C’est en vain : les mains liées ne peuvent le saisir. L’aïeule accomplira donc elle-même le pieux et cruel office. Elle cherche le cœur, et d’un seul coup y enfonce le couteau. Du