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Celui qui les proférait méritait, bien plus que Jules Favre, d’être envoyé devant un conseil de guerre. C’était à Dejean qu’il eût appartenu de répondre, mais il ne se considérait plus comme ministre ; il craignit que sa dénégation ne fût suivie par des affirmations emportées de l’Opposition et il ne crut pas prudent d’ouvrir, à une heure aussi inopportune, un débat dont le retentissement eût été désastreux ; il jugea moins dommageable de laisser tomber les paroles abominables de Jérôme David. Au surplus, ces paroles n’atteignaient pas le Ministère, dont la réorganisation militaire n’avait pas été l’œuvre ; elles frappaient tout le règne, et l’Empereur et Niel, auteurs de la préparation, et qui s’étaient maintes fois portés garans de son efficacité.

La Gauche releva cette arme qui lui était offerte par un soudoyé de l’Empereur. Kératry dit : « Après les paroles prononcées par l’honorable M. Jérôme David, je considère comme un devoir pour moi, membre de la Commission chargée du rapport relatif à la guerre, de venir faire ici une déclaration qui ne sera démentie par aucun de mes collègues : M. le ministre de la Guerre, appelé dans le sein de notre Commission, a affirmé sur l’honneur que nous étions absolument prêts. S’il nous eût laissé voir quelque hésitation dans son esprit, nous serions venus soumettre la situation à la Chambre en l’éclairant sur la réalité des faits. Maintenant, je dois revenir à ce qu’a dit M. Granier de Gassagnac, car il a posé la question sur son véritable terrain : quand Napoléon Ier a succombé avec nos bataillons, la France s’est chargée elle-même de prendre le gouvernement de ses affaires. La confiance du pays s’était retirée du chef de l’Etat ; c’était justice et prévoyance. Napoléon III n’a pas su conduire nos armées à la victoire ; selon la proposition que nous avons déposée, qu’il cède la place au patriotisme du Corps législatif ! » (Bruyantes réclamations. — Bruit prolongé.) Le président rappela Kératry à l’ordre. Il eût dû auparavant rappeler Jérôme David à la pudeur, à la loyauté et au patriotisme.

Il ne restait qu’à voter. Schneider, ayant refusé de mettre aux voix la proposition de Jules Favre, c’était sur celle de Latour-Dumoulin que le vote allait avoir lieu. Son adoption eût été un vote de défiance prononcé ; la majorité voulait ce vote de défiance, mais sous une autre signature que celle de Latour-Dumoulin et non au profit de Trochu. Les meneurs cherchèrent