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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/750

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conseillers indomptablement résolus à la protéger jusqu’au bout et quoi qu’il arrivât. Je me souvins de cette soirée de décembre aux Tuileries où, pendant que nous causions au coin du feu, un ouragan ouvrit violemment la fenêtre et s’engouffra dans le salon. L’Impératrice s’était levée et avait essayé de la fermer ; la tempête était trop violente et je dus venir à son aide. La tempête était là, mais l’Impératrice se croyait de force à l’affronter sans moi a


L’émotion du Parlement se retrouva le lendemain dans les articles de la presse. Le parti de l’extrême Droite nous piétina furieusement et surtout le journaliste de Rouher, Dréolle. Le Centre gauche ne fut pas moins amer, il nous reprocha surtout de ne lui avoir pas épargné par une démission la honte de nous renverser. Les Irréconciliables ne montrèrent que de la satisfaction ; débarrassés de nous, ils se sentaient les maîtres et ils poussèrent plus que jamais leur cri insurrectionnel. Les modérés, qui, la veille, nous soutenaient, se retournèrent contre nous pour se faire pardonner de nous avoir soutenus. Les ambitions découragées des vieux états-majors monarchistes se ranimèrent, chacun recommença à espérer et à haïr, ce qui est la conséquence des espérances politiques. Par une raison ou par une autre, ce fut à qui nous condamnerait le plus cruellement. ;


VIII

La séance du 9 août avait été comme ces reconnaissances militaires qui révèlent les dispositions de l’ennemi. Aucun doute n’était désormais possible. Jules Simon a eu la franchise d’en convenir. « Jusqu’à la chute de l’Empire, ce ne fut ni un homme, ni une réunion d’hommes qui commanda ; ce fut la haine[1]. » Cet aveu justifie le jugement sévère de Paul Déroulède : « C’est l’ineffaçable opprobre de tous les partis d’opposition au régime impérial que d’avoir continué à se laisser dominer à pareille heure par leurs passions personnelles. L’intérêt de la Patrie avait disparu pour eux par cela seul qu’ils le sentaient mêlé aux intérêts de l’Empereur. Il y eut chez la plupart une perle absolue du sens national. « Croule la France pourvu que l’Empire tombe[2]. » Le « patriotisme » l’emportait sur le

  1. Origine et chute du second Empire, p. 250-251.
  2. P. Déroulède, Feuilles de route, p. 30.