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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/753

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lorsqu’il n’eut plus à opter qu’entre le champ de bataille et le ruisseau. Et ses résolutions sortaient tellement des entrailles du pays qu’aucune guerre ne rencontra à son début un assentiment aussi passionné et aussi universel. Les revers arrivés, il n’avait pas désespéré de la chose publique. On a dit qu’il était « capable de toutes les fautes. » Certainement il a commis des fautes : qui agit sans en commettre ? (Chi fa falla[1].) Mais ce n’est pas de toutes les fautes, c’est surtout de toutes les énergies qu’il fut capable, car son existence n’a été qu’un acte perpétuel d’énergie. Si on lui en eût laissé le temps, il eût réparé nos revers ; il n’aurait pas permis à l’insurrection de s’organiser paisiblement pendant trois semaines ; il n’aurait pas envoyé une armée démoralisée s’engloutir entre trois armées victorieuses. Lui debout, il n’y aurait eu ni Sedan, ni 4 septembre, ni Commune. Sa chute a été une catastrophe nationale.


IX

Schneider, pendant la séance du 9 août, n’avait pu agir aux Tuileries que très indirectement. La séance levée, il se rendit auprès de l’Impératrice et discuta, avec elle et Palikao, les conditions d’un nouveau Cabinet. On fut d’accord à reconnaître qu’il ne pouvait être question d’un Cabinet Trochu. Palikao s’étant réservé le portefeuille de la Guerre et la présidence du Conseil, aucune situation ne restait à offrir au général atrabilaire, que l’insolence hostile de ses refus ne permettait pas d’aborder derechef. Schneider ne voulait pas davantage entendre parler de Duvernois, à cause de son mauvais renom, ni de Jérôme David parce qu’il le détestait. Si on les prenait, il menaçait de sa démission. Ce qu’il voulait, c’est un ministère de Centre gauche, dont le pivot eût été son ami Magne, autour duquel il aurait groupé Daru, Buffet, Talhouët, Brame et peut-être Latour-Dumoulin.

L’Impératrice fut épouvantée. « M. Schneider, télégraphie-t-elle à l’Empereur, me met le couteau sur la gorge pour un ministère presque impossible. » En effet, ce ministère eût été la bride sur le cou de la Gauche, laissée libre de recruter ses soldats et de les armer, l’abandon de toute mesure préventive ou

  1. Michel-Ange.