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répressive sous prétexte de liberté, le télégraphe ouvert sans contrôle aux dépêches espionnes, la glissade sans frein à l’abîme. L’Impératrice disait juste : c’était un ministère impossible ; il eût fallu l’appeler le ministère des dernières prières. Cependant, intimidée par les menaces de retraite de Schneider, elle l’autorisa à faire des démarches auprès du Centre gauche, étant bien convenu que Palikao, pendant ce temps, en tenterait ailleurs. Le général devait venir à la Présidence à dix heures du soir, rendre compte de ses opérations et arrêter une liste à insérer au Journal officiel.

Les principaux membres du Centre gauche, Daru, Buffet, Talhouët, refusèrent de se prêter à ce triste rôle et Schneider vint au rendez-vous de dix heures sans aucune liste. Palikao n’y vint pas du tout. Schneider l’attendit jusqu’à deux heures du matin. A huit heures, on lui remit ce billet apporté par le général à quatre heures : « Monsieur le Président, — J’ai l’honneur d’annoncer à Votre Excellence que, réfléchissant plus mûrement a la responsabilité qui pèse sur moi, au milieu des circonstances actuelles, j’ai modifié la liste dont je vous ai donné connaissance. Cette liste, approuvée par Sa Majesté l’Impératrice Régente, sera insérée au Journal officiel de ce jour. J’espère que Votre Excellence, dont le dévouement à Sa Majesté l’Empereur m’est bien connu, voudra bien continuer à me prêter son concours dans la tâche officielle que j’ai à remplir. — Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de mes sentimens de haute considération. » La modification consistait à placer Jérôme David à l’Intérieur et Duvernois au Commerce ; on conservait les Finances à Magne, mais l’impertinence n’était pas déguisée et Schneider la ressentit. « Voici le commencement de la fin, dit-il à Bouilhot, l’ère des maladresses et des folies. J’attendrai que l’Impératrice m’appelle pour retourner aux Tuileries. » Puis il ouvrit le Journal officiel et n’y trouva aucun ministère.


A mon réveil, j’avais reçu aussi un billet de Palikao, daté de cinq heures du matin, dans lequel il m’envoyait la liste des ministres en me demandant mon concours et celui de mes amis.

Comme Schneider, je fus surpris de ne pas trouver dans le Journal officiel la liste communiquée. Je me rendis aussitôt chez le général. Il m’expliqua que le retard de l’insertion tenait aux