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pour nous un encouragement ; les Romains, comme les Français de nos jours, n’avaient pas de population surabondante. Ils imposaient aux peuples vaincus leur droit, en partie leur langue, et certaines conceptions générales : ils établissaient surtout la paix romaine ; tel était leur type de colonisation duquel le nôtre doit se rapprocher. Il est vrai qu’ils ne se heurtaient pas à deux obstacles que nous rencontrons aujourd’hui dans l’Afrique du Nord : une religion chez les indigènes absolument réfractaire à toute influence extérieure et, d’autre part, la jalousie d’autres nations civilisées puissantes.

Si nous remontons si haut, ce n’est pas pour faire preuve d’une vaine érudition, mais pour bien pénétrer le lecteur des conditions requises pour une colonisation durable. Le temps, les siècles ont été la condition essentielle, l’un des facteurs principaux de la colonisation romaine ; ils le sont également des colonisations modernes.

L’Espagne, par exemple, aux jours de sa plus grande expansion et de sa suprême puissance, a possédé et occupé pendant plus de deux siècles Oran et des points importans du Nord africain, des districts même de l’intérieur, sans qu’il en reste aujourd’hui d’autres vestiges que d’imposantes ruines de bâtimens militaires. Il en a été de même des Portugais sur la côte Atlantique, aux jours brillans de leur suprématie coloniale.

Dans la région, au contraire, où les Espagnols et les Portugais sont parvenus à maintenir leur domination durant trois ou quatre siècles, au milieu de populations autochtones plus ou moins denses, parfois ayant une civilisation relativement avancée, au Mexique, au Pérou, au Brésil, ils ont fait une œuvre qui a bravé les révolutions et les séparations politiques.

Avec ses quatre-vingt-deux années d’existence, l’ainée de nos colonies africaines, l’Algérie doit être ainsi considérée comme une colonie adolescente ; quand on célébrera son centenaire, dans juste dix-huit ans, elle ne sera pas encore entrée dans l’âge adulte ; son adolescence se prolongera bien un demi-siècle au delà. Ces réflexions sont nécessaires pour bien apprécier notre œuvre nord-africaine.

On dira peut-être qu’aujourd’hui, avec les inventions modernes, chemins de fer, télégraphes, téléphones, automobiles, aéroplanes, le travail colonisateur peut être beaucoup plus rapide. Ce serait, sinon une erreur, du moins une exagération.