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Ces instrumens nouveaux aident sans doute à l’exploitation économique et en facilitent l’essor ; mais ils ne transforment pas les populations ; ils auraient plutôt une action troublante sur les autochtones et ils ne hâtent aucunement soit la fusion, soit l’entente cordiale entre les élémens ethniques différens.

Aussi importe-t-il bien de distinguer, en matière de colonisation, comme nous l’avons fait, l’action politique, l’action économique et enfin l’action sociale.

Au point de vue politique, notre œuvre algérienne s’est développée sans autre obstacle que celui qu’elle trouvait dans la résistance de la population indigène et dans notre propre ignorance du milieu physique et moral où nous opérions.

La conquête a été très longue. On a vu qu’elle ne se termina qu’en 1847 par la prise d’Abd-el-Kader ou même en 1857 par la soumission de la Kabylie. Jusqu’à cette dernière date, il y eut, en notre Algérie, l’équivalent du bled ès Makhzen et du bled ès Siba au Maroc, contrées soumises et contrées insoumises, situées au milieu même du terrain occupé. On connaît les deux expéditions de Constantine, l’échec de la première et la prise de cette ville en 1837. Notre poussée vers le Sud est lente : nous n’occupons Biskra qu’en 1844 et Laghouat seulement en décembre 1852, soit vingt-deux ans après la prise d’Alger.

Diverses circonstances entravèrent la conquête ; le gouvernement qui avait conçu l’expédition fut renversé au lendemain même de celle-ci ; les personnages les plus importans du régime de Louis-Philippe et les Chambres même étaient peu favorables a une œuvre qui leur apparaissait comme âpre, coûteuse et de résultats médiocres ou incertains ; la colonisation n’était pas en honneur en France ; on s’y livra sans conviction et sans méthode. On eût voulu n’occuper que les côtes et avoir un protégé indigène pour administrer, sous un contrôle bienveillant et peu rigoureux, l’intérieur du pays : de là le traité de 1837 avec Abd-el-Kader, qui laissait à celui-ci presque toute la zone non côtière des provinces d’Alger et d’Oran. L’émir ne comprit pas la France et nous contraignit à le combattre et à l’expulser.

Il est utile de rappeler brièvement ces péripéties à l’heure où le Maroc nous inflige une tâche malaisée et de longue haleine. Une fois accomplie, la conquête fut définitive. Une seule insurrection vraiment sérieuse éclata, celle de 1871 dans les provinces d’Alger et de Constantine, qui heureusement suivit et n’accompagna