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de la colonisation française, sinon même de toute la colonisation contemporaine.

Que de bonnes fées la Tunisie française avait eues à son berceau ! Elle avait été occupée sans conquête, ni combat, sauf la petite échauffourée de Sfax, due à notre mollesse. Il n’y avait en Tunisie ni vainqueurs ni vaincus, ni conquérans ni conquis ; le bey avait conclu, presque sans résistance, et à coup sûr sans protestations publiques, un traité de collaboration, plutôt que de subordination, qui lui laissait tout l’extérieur du pouvoir : une liste civile convenable (900 000 francs, plus 128 000 francs pour le personnel et le service des palais et 810 000 francs pour la dotation des princes et princesses, ensemble 1 838 000 francs) ; tous les honneurs de la souveraineté ; ses successeurs avaient très loyalement montré les mêmes sentimens d’accord avec la France que le bey Sadock. La haute classe arabe a conservé toutes ses situations ; le gouvernement tunisien, à côté du gouvernement général, comprend le premier ministre indigène et le ministre de la plume (dénomination traditionnelle et pittoresque). Dans les provinces, les caïds, les khalifats restent, à côté des contrôleurs français, les représentans du bey ; les tribunaux indigènes sont maintenus. Dans les communes, par un acte de sympathie et de déférence qui ne pourra peut-être pas être indéfiniment et partout maintenu, le président de la municipalité, même à Tunis qui comprend presque autant d’Européens que de musulmans, est un indigène ; c’est le vice-président seulement qui est français. La population indigène conserve ses mosquées, inaccessibles aux Européens, sauf celles de Kaïrouan, ses fondations diverses, écoles, comme le collège Sadiki, et hôpitaux ; les biens habous (mainmorte religieuse) n’ont pas été atteints. De même qu’il n’y a pas eu de conquête à proprement parler, il n’y a pas eu, d’autre part, d’éviction des Arabes de leurs terres. Les Européens possèdent 834 000 hectares de terres, l’étendue d’un département français et demi, dont 706 160 hectares à des Français, 85 465 à des Italiens et 43 453 à d’autres Européens ; l’ensemble représente environ la quinzième partie du territoire, mais sans doute la sixième ou septième des étendues cultivables ; aucune parcelle de ces propriétés européennes, au nombre de 4 000, n’a été arrachée aux Arabes par confiscation ou expropriation ; on n6 peut citer comme ayant une origine vraiment suspecte, que les 35 000 hectares de terres acquises,