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moyennant quelques dizaines de mille francs, par un ancien Grec naturalisé à l’aide de manœuvres dont connaissent actuellement les tribunaux : c’est là le seul réel scandale tunisien : toutes les autres propriétés européennes ont été acquises de gré à gré, un certain nombre à de riches propriétaires indigènes et à d’anciens favoris des beys, les autres moyennant en général des rentes foncières, dites enzels, de l’administration indigène des habous ou biens de mainmorte : ainsi, nulle spoliation, sauf dans un cas unique. La Tunisie possède un régime foncier, l’immatriculation foncière, imité d’une loi australienne célèbre et que l’on a porté aux nues.

Ainsi, aucune tare à l’origine de la colonisation tunisienne : aucune autre colonie au monde ne supporterait sans doute avec succès une semblable enquête.

Si l’on étend celle-ci aux signes indicateurs du développement et de l’essor d’un pays, ils apparaissent tous comme favorables.

Le commerce extérieur qui, dans les cinq années (1875 à 1880) ayant précédé l’occupation française, variait entre 18 millions et 27 millions et demi, a atteint 223 millions en 1910, ayant ainsi presque décuplé. Si l’on jette les yeux sur la carte, on voit la Tunisie presque toute couverte de chemins de fer : il y en a, à l’heure présente, 2 000 kilomètres en nombre rond, égalant à peu près les deux tiers de l’étendue ferrée que possédait l’Algérie il y a une dizaine d’années : quatre lignes parallèles, à des latitudes différentes, traversent de l’Est à l’Ouest le territoire tunisien, et bientôt, dans le sens du Nord au Sud, une ligne ininterrompue ira de Bizerte à Gabès. Les chemins de fer n’ont rien coûté à la métropole, sauf la ligne de la Medjerda, d’Algérie à Tunis, longue d’un peu moins de 200 kilomètres ; encore celle-ci, faisant un trafic d’une quinzaine de mille francs par kilomètre, n’impose-t-elle plus à la France qu’un sacrifice de 1 400 000 fr. par an, diminuant graduellement. Quant au reste du réseau, le protectorat a eu la sagesse de le construire ou de le concéder au type colonial par excellence, le seul connu dans toute l’Afrique en dehors de la zone méditerranéenne, à savoir la voie étroite de 1m,05 ou, suivant la mesure anglaise, 3 pieds 6 pouces à l’intérieur des rails. Dans ces conditions économiques pour la construction et pour l’exploitation, ce réseau a peu coûté et il procure au gouvernement tunisien des recettes nettes de 3 millions